Sixteen

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- Tu crois que je ne vois pas toutes ces femmes te roder autour comme des vautours ? Tu le crois vraiment ? Gronda Carmen, les cheveux presque en pétard.

- Arrête. Tu me gonfle à toujours remettre ça sur le tapis. Soupira Andy Shelton. (L'homme rabatit sa veste sur le dossier de sa chaise en fer forgé puis se détourna en tentant vainement d'esquiver la discussion qui frôlait le drame euphorique.)

De sa chambre, Cory se blottit derrière la porte, se mettant ainsi à l'abri d'une tempête entrain de croître. Carmen, sa tendre mère pouvait parfois dériver dangereusement vers l'hostilité. Quand le jeune garçon alla la saluer le matin, il décelait très vite quel serait le résultat de la journée une fois l'humeur exprimée sur son visage. Tantôt aimante et agréable. Tantôt aussi froide qu'un iceberg.

Andy avait l'air régulièrement épuisé par ces abondances malsaines. Ces sauts d'humeur implacables lorsqu'il rentrait. L'homme ne semblait plus si sentimentale, ni attentionné à l'égard de sa femme. C'est à peine s'il la regardait droit dans les yeux pour la saluer.
Plus aucune étincelle, ni aucune saveur dans le regard.
Ce que Cory cerna depuis très jeune.

Elle remonte à quand la fois où tous les deux se chérissaient à bras ouverts comme sur les photos en vacances à Majorque ? Certains clichés, le peu qu'il avait gardé, le replongèrent à une époque si lointaine qui lui arrivait de se demander si ces instants avaient réellement existé.
Andy n'aimait plus Carmen. Et il est vrai que beaucoup de femmes lui tournaient autour depuis qu'il exerçait son métier de courtier d'assurance. Il commençait à promouvoir un poste haut placé et c'est certainement ce qui plaisait à ces croqueuses de diamants.

Andy se dirigea vers la cuisine quand Carmen lui agrippa sauvagement le bras. Elle tira furieusement ses cheveux en arrière pour le traîner jusqu'au salon. Une furie voyait-il. Une furie.
Elle lui tira si fort qu'elle en déroba une petite poignée à partir du bulbe. Ce qui, depuis, avait dénudé cette partie du haut de la tête pendant de longues semaines.
Suite à cet incident, il devait prendre quelques moments de repos pour apaiser ses petites crises d'angoisse perpétuelles qu'il ne prenait que très rarement. Il en restait toujours une infime partie clairsemée, mais ses mèches grisonnantes arrivèrent tout de même à camoufler cette contrariété. Personne n'y voyait rien. Pas même son fils, Cory.

Au moment où Andy se retourna, Carmen se rua sur son cou, telle un animal enragé. Le cri strident de son père, il s'en souviendra encore longtemps. Le filet rougeâtre qui dépassait de sa bouche, comme si elle tenait un bout de viande entre les dents. Andy s'écroula au sol, en imploration auprès du seigneur.
La main plaquée sous son oreille.

Il hurlait à la mort, comme s'il allait bientôt s'achever. Une étreinte à la douleur, qui ne s'éradiquait pas de si tôt à en le voir ainsi.
Cory avait mal pour lui. À tel point qu'il avait la sensation' d'avoir été piqué à la gorge.

Il la revit encore, le morceau de chair pendant entre les lèvres. Un filet cramoisi dégoulinant sur sa robe pêche. Elle en avait le regard si vide l'instant d'après, que ce fût comme si elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il venait de se produire.

Après cet événement, Andy fit placer son ex-femme dans un institut puis a tenu à exprimer en personne leur divorce. Cela avait duré de longs mois avant qu'elle accepte.
De plus, les médecins avaient averti que tout document se présentant au sein de l'établissement n'était point recevable. Il en était donc prisonnier.
Il eut néanmoins réussi à la faire sortir pendant quelques jours où elle se résilia enfin à l'évidence. Il aimait une autre femme et tous deux ne pouvaient plus continuer ainsi.

Cory se demanda si sa mère avait réellement les idées claires ce jour-là car elle devenait tellement amorphe qu'on eût dit une amnésique aux membres évasés. Le regard fixé sans cesse sur ce point qu'elle seule pouvait voir. Dès lors, le jeune garçon apprit à regarder sa mère autrement : en une femme malade.

Andy avait encore une trace de cette agression, mais les dizaines d'opérations qu'il eut subit ne suffirent point à renflouer le léger creux apparent. De la même manière que la cavité capillaire où il y laissa parfois de la longueur pour cacher la surface nue encore visible. Il possédait d'ailleurs ce réflexe qui avait grandi avec lui: celui de replacer instinctivement ses mèches vers l'arrière.

Des souvenirs qui resteraient à jamais gravés dans sa mémoire de môme. Bien qu'il aurait souhaitait les effacer comme un train de crayon avec une gomme.
Tout à coup, il fut aussitôt rattrapé par le présent. Quelqu'un venait de sonner à la porte.

- Salut ! (Cheryl se retourna en levant les lunettes sur le haut de la tête, puis lui adressa un sourire.)

- Hey. Comment va la fille du Kentucky ? Plaisanta-t-il.

- C'est pas bien du tout de se moquer ! Et après tu te dis être démarqué des autres citadins ? Rit-elle.

- Je sais, mais j'avoue que c'est un petit côté qui reste très fidèle ici ! Allez entre.

Sauvé dans ses tourments, Cory passa l'entière après-midi aux côtés de la jeune fille qui l'aidait à se sentir enfin en paix avec lui-même. Sa spontanéité suscita énormément de vivacité en lui, ses éclats de rire enjoués lui redonnèrent aussitôt le sourire.
Cela remonte à si longtemps la dernière fois qu'il passa un tel moment agréable. Sans peine, sans tourment. Si longtemps.

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