fifty

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À peine venait-il d'ouvrir la porte qu'aucune question ne se posait. Personne ne lui demanda où il était passé, ni même ce qu'il filtrait à cette heure-ci.

Andy s'était posé en matant un petit film, quant à Tarrah et Megan, toutes les deux se mirent à tracer des traits sur des étendues de feuilles, pour probablement en faire une petite décoration dans la chambre de la petite.

Encore une interprétation de Clint Eastwood à l'écran, flingue à la main comme à son habitude. Cory détestait rageusement ses apparitions cinématographiques. Rien n'eut l'air de sonner vrai dans la mascarade qu'il interprétait. Pourtant, c'était l'idole que son père ravissait à chaque temps libre qu'il se prenait, ne serait-ce qu'un quart d'heure enfin relâché de son travail.

Montant les marches, tel un mort-vivant errant dans une maison, Cory s'exila sans mot dire vers sa chambre. Une marmite chauffante dans la tête, prête à bouillir en éclat.
Les pas trainant lourdement comme des pieds de plombs, on eut dit qu'il assommait chaque marche en frappant sur un tambour éreinté.

Le noir obscurcissait ses pensées, éteignant les étincelles de joie qui s'étaient entravées de sa mélancolie maladive.
Tout n'était que maussade et filatures désœuvrées de partout. Cette immense appartement ne reflétait plus qu'un tas de ferraille moisi et insipide plutôt qu'à des murs peints de blanc. C'en devenait littéralement une prison  étouffante. Cory ne s'y sentait plus à sa place, cet endroit renfermait trop de mensonges, trop de mauvaises ondes au point d'en devenir lui-même déprimé.

Son âme n'y trouvait guère de repos, dans un palace aux airs de havre de paix.
Tout ceci n'était qu'une apparence déguisée par une saloperie qui infestait les murs. Les cachotteries se dissimulaient pour apaiser une conscience. Sans doute des esprits à la culpabilité sévèrement soudée. Mon dieu, pourquoi ne s'en était-il pas rendu compte plus tôt ?

Toute cette atmosphère en devenait bout à bout irrespirable, et il subissait sans en connaitre l'origine du mal-être jusqu'à présent.
Or, ce n'était guère au jeune prodige de se sentir aussi mal à l'aise à ce point.
Peu à peu, il se mettait à comprendre sa place au cœur de cet océan obscur où il immergeait sans rescousse. Seule, la belle Cheryl sembla lui avoir ouvert les yeux, après tant d'années d'aveuglement. Sa voix lui susurra lentement qu'il n'y était pour rien, que son innocence en était épargnée depuis bien longtemps. Cependant, pas celle de son entourage, et plus particulièrement celle de son père.

Sur un pas décidé, Cory se rendit dans la chambre d'Andy et ouvrit le placard du dressing. Il tenta de saisir l'épaisse boite qui figurait au-dessus de l'étagère et l'ouvrit.
Un grand fusil Denix 44 Winchester, à la colonne aussi luisante qu'une pompe cirée. Caressant le crosse au bois lisse et vernis, Cory se sentait presque la tenir entre les mains.

Sagement, il retourna dans sa chambre. Se posant calmement sur la couverture de son lit en miroitant les effets nocturnes s'engouffrer sombrement dans la pièce. Le fusil allongé sur la poitrine, le point de mire presque ciblé vers la fenêtre, il attendait sereinement que le sommeil gagne la demeure avant de réveiller la rage qui était en lui.

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Une fois le crépuscule tombé et les ténèbres ayant envahi son tombeau, Cory sentit la colère le gagnait progressivement. Un pied levé sur le plancher, le jeune homme éveilla tous ses sens afin que ses muscles se dégourdissent depuis des heures où ils restèrent inchangés dans une position figée.

La première à atteindre fut la petite Megan. Elle dormait paisiblement, le regard tourné vers la fenêtre. Une âme d'enfant en déclin ainsi que la nature d'une peste envolée sous les trois coups de feu. La suivante, celle qui réunissait deux âmes pécheresses en cœur, se soutenant presque d'avoir bien agi sous leur coupole.

À peine la tête blonde relevée de Tarrah, que Cory lui tira dans le mile. Quand son père fit un bond aussi élevé que celui dun kangourou, il revoyait encore ce regard ahuri.
Celui de l'homme qui ne comprenait pas.

Le coup dériva sur le côté, effleurant grossièrement la face pariétale comme une balle de golf. "Cory..."

- Cory ?
Pourquoi fais-tu cela mon grand...

Le regard plongé dans le sien, il se mettait à puiser la raison dans son âme. La mort s'approchait vainement avant même qu'il ait eu le temps de percer la vérité.
Sa mine flottante sur un oreiller immaculé d'un voile saignant, le regard d'Andy resta plongé dans celui de Cory. Une ardeur tout à coup déliée de son esprit.

Hollywood SuicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant