twenty-seven

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Un jour avant de débarquer pour Tokyo, Cory se repassa en tête ce moment où Cheryl prenait part à son écoute.
Elle paraissait tendrement sincère, comme une profonde amie qui s'intéressait réellement à lui. Jamais Cory n'évoqua le passage où il rencontra cet homme chétif et malade. Même Tomas n'en n'entendit jamais parler.
C'était comme une délivrance spontanée. Un sentiment éteint et enfoui qui se réanimait en s'exprimant.

Il se souvint des fois où cet homme venait à sa rencontre entre les grilles de l'école pendant ses instants de détente. Cette lueur dans les yeux qui brillait, elle étincelait un regard si mené d'entrain pour un homme qui semblait tant affaibli. Une machine figurait dans un sac qu'il transportait toujours près de lui, d'où un fil pendait jusqu'à ses voies nasales.
Un homme malade et malmené par la vie, ce fut l'impression qui le frappa. Jamais Cory n'oubliera ces moments privilégiés et confidentiels avec son oncle. Jamais.

- "Comment va mon grand camarade ? Tu sais, il ne faut pas prêter attention quand deux adultes se disputent..."

Une âme rassurante, qui finit par disparaitre un lendemain par hasard. Était-il mort ? Sans doute car il n'entendit plus parler de lui. Surtout depuis une altercation qui survint dans le hall de la maison, Cory se souvint des paroles échangées le dernier jour qu'il le vit.

"- Tu crois que tu peux débarquer comme ça te chante à l'école de mon fils ? Je te le répéterai pas Oliver, tu le laisse en dehors de tout ça. OK ?
Je ne veux pas que tu le mêles à nos histoires."

"- C'est mon..."

"- Non. Ne prononce même pas ce mot, il n'est rien pour toi. Compris ?
Maintenant sors de chez moi. Sors je te dis !
Et ne reviens plus mettre un pied ici, tu m'entends ?" Gronda Andy, la voix emportée sur trois octaves.

Ce regard bleu qui le traversait de l'escalier, c'était un adieu. Il le flairait.

Il aurait tant aimé le connaitre d'avantage, mais le fait que son père ne l'autorisa jamais à évoquer le nom de ce lien qui les reliait résonna comme une évidence en lui. Cory était le neveu de cet homme et il le sentait.
Voilà d'où venait le rapprochement qu'il décelait entre Cheryl et cet homme, c'était ce même regard bondé de tristesse. Celle qui vacillait cette flamme bleue dans les yeux.

- Allô ?

- Mon japonais ?

- Ah...salut ça va ? Rit-il.

- Je vais bien, que fais-tu dont ?

- Rien, j'immerge au cœur de mon lit. J'ai pas encore fini de préparer ma valise.

- Tu veux qu'on se voit quelques minutes ?


Le froid s'installait paisiblement. Malgré les intempéries qui survenaient parfois à Los Angeles, les températures y restèrent plutôt variantes pour un début de mois d'octobre. L'automne y fut malgré tout supportable et convenable pour les adorateurs du soleil chauffant.
Dans le parc, pas une mouche y survolait. Pas même un oiseau égaré en plein vol. Il était fou de constater qu'un lieu aussi débordant de vie l'été pouvait se nuire en une saison. Faisant tout à coup pressentir un endroit sans âme.

Au bout de l'allée, Cory aperçut la silhouette de Cheryl. Il pouvait nettement déceler que derrière son mince sourire se cachait un petit mal-être. Peut-être devenait-elle triste qu'il parte, cela aurait été un espoir tout juste suffisant pour le contraindre de partir.

Elle avait une démarche moins sereine, quelque chose habitait ses pensées. Derrière le combiné, sa voix paraissait lucidement pressante. Une expression lente qui l'éveilla à se dire qu'il était urgent de se rencontrer.

- Salut. Fit-elle la voix fine.

- Tu as mal à la gorge ?

- Un peu, je suis pas trop habituée au climat d'ici.
Tu pars dans combien de temps ?

- J'ai exactement sept heures et quart devant moi. Ce qui nous laisse un large moment pour discuter. (Sourit-il.)

- Moi, en revanche. Je n'ai qu'une heure devant moi.

- Pourquoi ?

- Parce que je dois partir aussi.

Hollywood SuicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant