Une journée menée par un vent s'annonçant presque rugueux. La fadeur qui accablait petit à petit la ville se mit également à ternir les pensées du jeune Cory.
Surtout depuis les deux semaines où la présence de la belle Cheryl se fit rare.
Il ressentait ce délicieux parfum l'enivrer à nouveau, comme au premier jour. Elle était décidément charmante cette jeune Cheryl.Il y avait comme une profonde rancœur après chaque salutation au lendemain. Un clignement à une tendance dépressive et passagère mais tenace.
Soir après soir, Cory se hâta d'arriver à l'après-midi suivant pour la retrouver. Cheryl était de loin la pimbêche prétentieuse et dédaigneuse comme il en résidait tant à Los Angeles. Sa fraicheur avait quelque chose de remarquable, d'un naturel profondément charmant et spontané.Il lui arrivait parfois de s'imaginer comme son petit-ami, main dans la main, parcourant les longues avenues jusqu'au parc. Échanger des paroles sans se préoccuper de connaitre la Porsche la plus esquisse à contempler ou encore de savoir laquelle brillait le plus.
Toutes ces futilités disparaissaient, seul son regard comptait.Cependant, le jeune homme ne savait comment interpréter ce baiser qui s'apparentait davantage à l'expression d'un sentiment qu'à une bise amicale. Il en décelait encore ce léger clapotement sur la joue.
Quand son aversion utopique fut tranchée par un coup de fil, un infime espoir s'émancipa à cet instant.- Allô ?
- "Coucou ! C'est moi ! Comment vas mon californien à la mine de cadavre ?"
- Toujours aussi sympa la petite du Kentucky. Plaisanta-t-il, un léger rictus au coin des lèvres.
- "Je te charrie, tu le sais. Dis-moi qu'est-ce que tu fais là ?"
- En ce moment, trop rien. Pourquoi ?
- Ça te dirait de se retrouver sur le même banc que la dernière fois ?
L'air y fût plus paisible que jamais, probablement la venue trépidante de Cheryl qui y était pour quelque chose. Tout à coup, une tête brune détachée d'un groupe entreprit l'allée.
Les petits canards hibernaient dans les recoins terreux de ces chênes aux mèches tombantes. Pas de grand-mère entrain de tricoter un vêtement pour sa petite-fille et encore moins de fillette courant après un ballon.
Greynold's park semblait désœuvré de population jouissive et fugace. Juste deux amis qui se revirent après un long moment passé l'un sans l'autre.Sourire aux lèvres, la belle Cheryl avança d'un pas enjoué. Comme si cet instant était d'une célérité égalée à la sienne. De son grand caban beige, la jeune fille défit la petite ceinture avant d'aborder le jeune homme d'un baiser sur le coin des lèvres.
- Je suis contente de te voir, Cory. Fit-elle, le regard feignant la timidité.
- Également Cheryl. (Les poumons relâchés de pression.)
- Alors qu'est-ce que tu racontes ? (Les mains serrées sur les genoux.)
- Pas grand chose. À vrai dire, mon père m'invite au Japon dans une semaine mais...je ressens pas trop l'envie d'y aller.
- Pourquoi cela ? Tu vas rater une occasion de visiter le pays des mangas ! Plaisanta-t-elle d'un clin d'œil.
- Je sais. Mais j'ai pas envie, au cas où si on prévoit de se voir.
- Ah...d'accord. Tu sais, la semaine prochaine je sais pas trop si je vais pouvoir me libérer...
(Les yeux roulés vers le lac.)Il y eût comme une once de tristesse le traverser à cet instant. Il s'attendait sans doute à ce qu'elle accroît cette étincelle d'espérance qui l'habitait. Mais étrangement, Cory décelait une esquive déguisée en excuse. Il avait la nette impression qu'une idée se tramait dans un coin de sa tête.
Même s'il pouvait paraitre évident que le rythme des cours l'insurge de fatigue, mais pas au point de dévier une éventuelle rencontre. Une déception qui l'assaillit sans étreinte.- Mais tu sais qu'on va se revoir, pas vrai ?
- Oui. Bien sûr. (Le regard déviant.)
Tout à coup, il se mit à préfèrer revoir cette vieille dame au tricot, cette fille à la balle et cet adolescent entrain de jeter des monceaux de pain dans le lac. Cette impression lui parût si étrange alors que l'instant précédent, il grouillait presque chaque seconde qui s'épuisait de la voir. Pourtant, le temps sembla s'écouler d'une lenteur à se pendre. Aucun des deux ne savait quoi dire sur le banc.
Une histoire sans parole qui ne devait sans doute pas exister jusqu'à ce jour.- Tu as prévu de partir qu'avec ton père ?
- À priori, si sa femme n'a pas prévu de changer de plan au dernier moment.
- J'ai comme l'intuition que tu ne l'apprécie pas, je me trompe ?
- C'est vrai. Je trouve que mon père et moi avions moins de temps pour nous deux depuis son arrivée.
- Cela fait combien de temps qu'ils sont mariés ?
- Deux ans après le divorce avec ma mère.
- Je suis vraiment désolée. Fit-elle en approchant sa main.
- Ce n'est rien. J'ai appris à grandir avec elle.
- Vous vous êtes déjà adressé la parole ? Ne serait-ce que pour poser à plat cette discussion ? Ton ressenti vis-à-vis de tout ça ?
(La voix un peu plus radoucie.)- Tu sais, ma belle-mère n'est pas du genre à discuter ni à négocier comme elle le fait dans son métier d'architecte. Mais plutôt celui de donner des ordres. Même mon père ne bronche pas un mot en sa présence.
- Une femme autoritaire...
- Surtout caractérielle et intransigeante. En prime, j'ai même une demi-sœur capricieuse et agaçante.
- Ah oui ? À t'entendre, on a l'impression que tu as la pire famille...
- La pire je sais pas, mais depuis très jeune j'ai toujours eu la sensation de ne pas être à ma place.
- Ah bon ? Mais qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Déjà parce que mon père, qui est assez célèbre dans le milieu du showbiz ne m'a jamais parlé de sa famille ou de sa jeunesse...
- T'as déjà essayé de lui en parler ?
- Non. J'ai peur qu'il le prenne mal comme quand j'avais dix ans.
- Qu'est-ce que tu lui as dis ?
- Je lui ai demandé si le monsieur à la béquille qui venait une fois par semaine était quelqu'un de la famille.
- Et alors ?
- Il m'a fait jurer de ne plus jamais poser de questions là-dessus. Depuis je ne l'ai jamais refais.
- Mais il t'as répondu de cette manière ? Sans vraiment répondre à ta question ?
- Je la connais moi-même la réponse. J'ai pas eu besoin de l'entendre de sa propre voix.
- C'était qui cet homme ?
- C'était son frère.
Soudainement, Cory se mettait à apercevoir une lueur briller dans ses yeux. Comme si elle en devenait émue.
Une facette qu'il décelait progressivement, telle une fleur exaltant lentement ses pétales sans trop les dévoiler. Cheryl était une fille sensible qui avait l'air de préférer afficher un sourire comme armure. Cette fille commençait à l'épater avènement.
Il en oublia presque la déception survenue quelques instants plus tôt.- Comment tu le sais ?
- Bien que cet homme était maigre, et presque squelettique, je trouvais que dans le regard, il y avait la même étincelle. Les mêmes yeux bleus.
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Hollywood Suicide
Mystery / ThrillerUne actrice connue pour avoir joué Tarrah Laynor dans un feuilleton à succès se retrouve malgré elle tourmentée par des contrats qui s'éteignent... Un père de famille persécuté par une ancienne maîtresse dans sa nouvelle maison... Une femme, envieus...