twenty-six

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L'exhumation du poulet aux noisettes noyées dans une couche de sauce extraite aux marrons et aux raisins secs s'installa délicieusement dans la pièce de son bureau. Un plat dont Tom s'aperçut soudainement que la dernière fois qu'il le dégusta remonte à si loin.
Il s'en alla chercher une autre chaise dans la petite cabane quand Marie-Faith l'interpella dans la cuisine.

- J'aurai besoin que tu ajoutes un couvert de plus s'il te plaît.

- Comment ça ? Pour qui ?

- Mets un couvert de plus je te dis. C'est tout. Répondit-elle sèchement.

Lorsque la sonnette se mit à retentir dans la maison, Tom s'engagea à ouvrir.
La surprenante Gina. Elle était là, le coude posé contre l'encadrement de la porte et la main fournissant entre ses mèches de cheveux. Elle portait cette fois-ci une robe cintrée, d'un rose aussi criard que les tenues de poupées. Que faisait-elle sur son seuil se demandait l'homme à moitié serein.

- Bonjour Tom. J'espère que ma venue t'apportera un peu de réconfort. (Le sourire aguicheur).

En passant à côté de lui, elle effleura légèrement la bosse de ses doigts comme pour communiquer secrètement. Tom essaya de se décupler du rêve dans lequel il avait l'impression d'immerger, mais la réalité le gagnait de trop peu.
Il ne fantasmait pas. Elle était bien là, entrain de saluer Robert et Josie Lang. D'ailleurs, lorsque Joyce descendit des escaliers, elle eut la même sensation dès l'instant qu'elle la vit s'en approcher.

- Maman ? Qu'est-ce que tu fais-là ?

- Je t'en parlerai plus tard.

Tom ne pipa mot, pas grand chose semblait s'évader de ses pensées comme la fois où son instituteur lui ordonna d'apprendre ces temps de conjugaison. Il se mit en reclus comme si ce dernier s'en approchait avec une règle tapante sur les doigts.
Gina lui fit le même effet. Elle était assise à la droite de Marie-Faith, la complimentant à ne plus déchanter sur le somptueux repas.
Il décela dans son sourire un bien-être intérieur, comme si la jeune épouse n'attendait qu'une belle parole pour s'en sentir mieux. Il est vrai que la bonne femme au foyer qu'elle était pouvait passer d'innombrables heures en cuisine rien que pour réussir à la perfection le moindre petit détail qui ferait la nette différence. Que ce soit sur un gratin comme sur un minuscule bout de gâteau.
Tom était son "goûteur". Il chavirait ses journées en savourant chaque portion qu'elle lui confectionnait. Rien que pour son plaisir personnel.

- Il était très bon ton poulet ma chérie. J'ai adoré. Cela remonte à tellement longtemps que j'en ai perdu le goût en bouche...
(S'avança-t-il comme s'il venait de s'apercevoir qu'il avait oublié quelque chose.)

- Merci Tom. (Le regard à demi plongé vers son assiette, esquivant gracieusement l'attention sur autre chose.)

Quand Marie-Faith entreprit le grand plateau en se levant, Tom eut l'envie de l'accompagner en cuisine. Car il n'appréciait guère qu'elle se charge seule de débarrasser la table des convives. Il trouva toujours cette posture de pacha très incorrecte vis-à-vis d'une femme, bien que cela alla à ravir auprès de la sienne.

- Tu veux que je t'aide ?

- Non je te remercie Tom. Tu devrais rester assis, je crois que Robert a des choses à te dire.

Étrangement, Tom eut la soudaine sensation qu'il y avait une petite rancune dans le regard. Une légère froideur qui ne lui ressemblait pas. Elle devait savoir quelque chose au sujet de Gina, il en devenait certain. Seulement, sa femme était toujours du genre à ne jamais évoquer un quelconque problème en spectacle. Elle pouvait préserver ses paroles aussi longtemps qu'une agonie dans l'âme. Mais la tempête ruisselait lentement, et quand elle se pointait, il ne voyait pas toujours les choses venir.

- Tom ! Sais-tu que Gérald Hamilton est devenu fournisseur en matériel de maçonnerie ? S'exclama Robert en posant sa main sur son bras.

Une fois le monde parti et la révérence jouissive de Gina par embrassades exagérées, Tom revint vers sa femme qui se mettait à empiler soigneusement la vaisselle entre les mailles de fer.

- Je peux savoir pourquoi tu as invité Gina ?

Il y eut un faible temps suspicieux avant qu'elle réponde.

- Je crois que son divorce avec Michael la rend malheureuse. Finit-elle par lâcher.
Quand elle m'a appelé ce matin, j'ai senti une triste peine l'effondrer. Tu aurais été au bout du fil, tu aurais certainement senti la même chose toi aussi.

- Pourquoi, quelque chose ne va pas ?

- Apparemment, elle n'a plus de nouvelles de Michael depuis le mois dernier.

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