twenty-five

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"Ma pauvre Rebecca, elle ne sait plus ce qu'elle dit..."

La jeune femme ne pipa mot dans la voiture lorsque Melinda la raccompagna à sa demeure. Encore une de ces journées qui se terminerait de manière maussade se disait l'imprésario. Dans ces instances d'effroi, il arrivait parfois à Melinda d'y voir les mêmes moments insatiables de précarité morale qu'offrait la solitude. C'en fût de loin les meilleures périodes de sa vie. Pourtant, elle l'appréciait lorsque sa clarté lui permettait d'être bienveillante envers sa personne. Elle avait la sensation d'y sonder la même souffrance à travers celle de Rebecca.

Si Melinda Riley devait rester dans l'ombre d'une actrice fragile qu'elle était loin de considérer comme névrosée, elle le ferait assurément.
Ses revenus lui permettaient d'avoir une vie plus que confortable, la jeune femme aurait été enviée par beaucoup qui se seraient jetées comme des masses sur ses sacs signés Versace ou encore Chanel. Mais étrangement, ce niveau de vie ne l'enthousiasma pas plus l'idée d'avoir tant excellé sur le plan financier. Sa garde robe pouvait ravir la reine de Monaco comme la femme de Mohammed Hadid, elle ne prétendit jamais de s'afficher aussi belle que Rebecca.
Cela aurait été d'un affront culbutant qu'elle ne se serait jamais pardonnée. Cette position dans l'ombre ne lui déplaisait guère, bien au contraire, Melinda ne ressentait nulle le besoin ni l'envie de paraître plus éblouissante, étant donné que Rebecca lui eut déjà dit. Et c'en était que l'essentiel.

-"Que se passe-t-il Rebecca ?" la porte entrouverte, prête à la serrer généreusement dans ses bras.

-"J'ai tout raté. Tout." répondit la jeune femme, tapotant sa joue de son mince mouchoir, assise devant le miroir.

-" Non, il ne faut pas dire ça. Tu es une bonne actrice et tu le sais. Seulement..."

-"Quoi ? Seulement quoi ? Je t'en prie dis-moi ce qui ne va pas !" le regard empli d'un profond désespoir.

-"Ce sont des idiots qui ne savent pas ce qu'ils ratent." finit-elle par lâcher.

-" Tu veux savoir la vérité ? Moi je la connais..." (prenant docilement la brosse en caressant l'ondulation de sa mèche.)

-" Laquelle parle-tu ?" ( les mains posées sur les genoux de l'actrice déprimée.)

-" C'est que je suis moins belle que toi."

Melinda ne pouvait y croire, même si le fait d'être une blonde du nord au regard imbibé d'innocence assurait toute les chances d'abreuver les avantages les plus prestigieux. Une particularité qui savait ouvrir de grandes portes dans le milieu.
"Des yeux de biche" lui répétait sa tante très jeune, d'un bleu azuré comme jamais elle ne vit personne d'autre les porter.
Quand elle se tenait devant son reflet, la jeune femme se répéta sans équivoque qu'elle était divinement unique. Cette pensée ne la quitta jamais afin de rester forte. Mais elle ne s'offrait guère l'audace de se dire qu'elle valait mieux que son employeuse. Jamais.

Le courrier éparpillé sur la table de salon, qu'elle avait délaissé pendant de nombreux jours lui rappela l'idée qu'il fallait l'épurer au plus vite.
Encore pour Rebecca Eldman, deux, trois. La dizaine n'était que pour elle. Du moins, la partie qu'elle avait dépecé vers la gauche.

Une idole de toujours. Mon idole pour toujours. Rebecca, je t'en supplie. Reviens parmi nous.

Ces mots lui ébranlèrent la fâcheuse pensée que cette femme devait se tromper de destinataire. Elle avait l'impression qu'elle s'adressait à un défunt. Rebecca n'était pas morte, elle rencontrait juste quelques difficultés à revenir à l'écran.
Pour tout le monde, Rebecca Eldman restera à jamais Tarrah Laynor. Y compris pour les dirigeants de l'industrie cinématographique.
Il arrivait malheureusement que la jeune femme se retrouve encore malgré elle, collée à la peau de son ancien personnage. Melinda se souvint des fois où elle l'entendait à travers l'angle de la porte de sa chambre, se réciter de brefs passages comme lorsqu'elle se mettait à fuir ses problèmes. Elle se cantonnait à sa sauveuse : Tarrah.

Melinda aurait tant souhaité la sermonner en lui ôtant ce personnage qu'elle s'était forgée à ne plus s'en dissocier. Rebecca n'était plus Rebecca, dans ses moments les plus sombres, elle faisait réapparaître l'ingénue qui devenait inlassablement plus détestable que jamais. Elle rendait son employeuse sournoisement malheureuse au point d'en être méconnaissable.

À vous qui êtes la perle de ma vie. Celle qui a réussi à berner mon adolescence dans "les jours infinis."

"Encore une fichue touriste qui ne sait faire autre chose qu'à envoyer des absurdités."

Perso, je trouve que Tarrah était trop dépressive et manquait cruellement de vivacité. Franchement, je ne vois pas ce qu'elle foutait alors que les autres personnages étaient bien plus intéressants. Je m'attendais à voir autre chose que "la petite maison dans la prairie" des années soixante. D'ailleurs, je comprend pas pourquoi vous avez jouer ce rôle. Il ne collait pas avec vous. Vous ne colliez pas avec la série.

Jessica Harper.

"Une qui ne manque pas d'air dit donc. Si Rebecca lisait ça, elle se serait défenestrée sur le champ. Sans la moindre hésitation. L'adresse : 240 rue rudyard Kipling, résidence Grean Polter. Glensfawls."

Chère Jessica Harper,
Prochainement, vous recevrez la visite d'une fan qui aime délicieusement Rebecca Eldman.

Bien à vous.

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