Hollywood Suicide

thirty-six

Cette fois-ci, c'est elle qui l'attendait. Cheryl avait prévenu le jeune Cory de sa venue légèrement avancée car elle venait de parcourir toutes les libraires du coin pour dénicher le dernier roman de Linwood Barclay.
D'après ce qu'il eût saisi derrière le combiné téléphonique, il fut un tel succès qu'il en devenait un parcours de combattant d'éplucher minutieusement les moindres petites étagères solitaires pour trouver un fichu exemplaire.

Le vent accueillait presque sa venue lorsqu'il entreprit l'allée, où quelques mètres plus loin, la jolie brune y siégeait sur un banc entrain de bouquiner sagement. Elle parut d'ailleurs aucunement dérangée par les petits oiseaux qui se mirent à picorer en groupies à ses pieds.
Un vieil homme à la longue cape verdâtre l'effleura même au passage. Sans qu'elle lève le regard.

Lorsqu'il se tint devant elle, Cheryl sembla tant captivée par sa lecture qu'elle n'avait de d'yeux pour lui.

- Allô ? Fit-il d'un mince sourire. (L'air de se demander si elle ne feignait pas la transparence.)

- Ah Cory ! Excuse-moi j'ai pas pu résister de le commencer ! Répondit-elle en vacillant les pages.

- Pas de problème, je vois ça. Alors, comment tu le trouve ?

- Pour l'instant, ça peut aller. J'en suis qu'au second chapitre à vrai dire mais ça démarre plutôt pas mal !

- Écoute Cheryl. Je vais être honnête avec toi. J'ai l'impression que tu me cache quelque chose... (Lâcha-t-il en soulagement de peine.)

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda la jeune fille, la voix tout à coup plus radoucie.

- Je sais pas... Je sens qu'il y a certaines choses que tu ne veux pas me dire. Notamment au sujet de ta mère.

Sa parole fit l'effet d'une bombe pendant quelques instants. Sa mine laissait clairement paraître que le jeune homme venait d'appuyer sur un point délicat.
Elle venait soudainement de baisser le regard, comme une honte qui s'éveillait.

- Je veux dire...tu n'as pas à avoir peur. Je suis ton ami. Tu peux me parler, tu sais...

- Je sais Cory. Mais la vérité sur ma mère est beaucoup trop longue à expliquer.

- Et c'est cette vérité que tu ne veux pas me confier je suppose ? (Le regard également baissé sur les petits grains de maïs éparpillés comme des points jaunes.)

- Ma mère a des problèmes de santé. Elle repose en soins à Edelweiss, à la frontière canadienne.

- Ah bon ? Quel genre de problèmes ? Si ce n'est pas trop indiscret...

- Disons qu'elle ne sait pas toujours ce qu'elle raconte. Elle divague par moment et les médecins la shootent beaucoup aux antiphetamines.

- Elle te reconnaît au moins ?

- Là-dessus il n'y a pas de problème. C'est juste ses histoires dans sa tête. Ces trucs qu'elle s'inflige... ( son téléphone se mit à sonner.)
Excuse-moi, on peut se parler plus tard ? J'ai postulé à une agence de recrutement... Je t'en dirai davantage ce soir si tu veux.

- OK ça me va. Peut-être à toute à l'heure alors ?

Dès qu'elle eût hoché la tête avec un mince sourire forcé, Cory s'éloigna du banc en prenant le chemin vers l'est.

Le jeune homme y croyait peu à son affaire d'agence, il avait décelé une nette expression sur son visage qui l'amena à se confirmer intérieurement qu'elle avait bel et bien quelque chose de voilé.

Assise encore sur le banc, Cory avait suffisamment pris de distance pour paraître le moins visible possible. Il arpenta lentement la pelouse ensemencée de feuillages encore velus, partiellement ornés de guirlandes de camélia reposant presque sur le rebord du banc sur lequel se trouvait Cheryl.

En s'approchant délicatement, il cernait un échange familier dans la conversation. C'était loin de paraître la démarche d'une future employée envers un responsable. Le ton était plus calme, plus apaisant.
Lorsqu'il eut atteint le grand tronc sur sa gauche, Cory s'y arrêta.

Quelques fragments semblèrent aussi indéchiffrables que les énoncés de la Rosette du Louvre. Quand il devança un pas de plus, certains mots ébranlèrent tout à coup sa raison.
Il n'avait pas tort, Cheryl parlait bien à une personne proche. L'intonation de sa voix ne semblait guère indiquer qu'elle s'entretenait avec un quelconque petit ami.

- Ne t'inquiète pas, maman. Tout se passe comme je le voulais.