fifty-two

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En s'engageant sur le bas-côté, Melinda rasa lentement les murs de la demeure Harlington jusqu'à la terrasse rehaussée par des pierres baltiques, légèrement réverbérée par un soleil en déclin.
Ce jardin parsemé de chênes pédonculés et de camélias, où reposaient quelques guirlandes aux couleurs fluorescentes sur les fines branches. Cette allure reflétait sans équivoque l'image des paysages féeriques que la jeune actrice dégustait sans étreinte des yeux à chaque passage près de la fenêtre.
Rebecca vénérait tant la particularité de cette plante florale qui pouvait égayer un rien de sobriété en l'époustouflant par ces détails lumineux. Un havre de paix verdoyant, d'une nuance égale et propre.

Le gros palmier chétif et légèrement incliné possédait un charme que l'actrice s'était mise à chercher avec tant d'acharnement. D'ailleurs, lorsqu'elle l'eut planté, c'était comme si elle voyait apparaitre devant elle la statue de Río. Elle se mettait presque en position de prière en la voyant éblouir de mille feux.

Son jardin, il fallait qu'il soit à l'exactitude d'une merveille que manquait son âme et que la jeune femme aurait tant espéré se voir offrir.
Ce fut pourtant ce que Melinda s'efforçait à chérir sans toutefois y parvenir. Il était tout de même assez rebutant de fournir autant d'entrain sans jamais satisfaire l'heureuse élue. Voire navrant de s'apercevoir que le bien-être de ceux que l'on affectionnait tant n'en obtenait guère de reconnaissance.

Melinda s'en décevit grandement sans perdre une seule miette de l'espoir qu'elle grattait. Bien que Rebecca pouvait se montrer tantôt colérique tantôt relative, c'était malheureusement un état qui subsistait à cause à l'assomme de médocs. Or, si Rebecca détenait un vilain défaut, la palme revenait sans doute à sa rancune primitive. Elle pouvait tenir compte d'un mot allant à contre-sens durant un laps de temps où l'on pouvait crier aisément : prescription.
Parfois lui arrivait-il de tenir tête pendant les semaines qui suivaient jusqu'à ce qu'on lui donne raison.

Une fois pénétrée à l'intérieur, Melinda n'entendit pas le moindre soupçon de bruit.
Même si Rebecca vivait seule, Melinda connaissait la subtilité des pas de cette dernière au rythme délicat d'un loup. La rendant ainsi capable de surgir à n'importe quel instant.
Mais étrangement, son instinct prédisait avec insistance l'absence de la maitresse au sein même de sa propre maison.
Aucun soupçon de sa flagrance corporelle n'y circulait.

Un bruit survint soudainement à l'étage, comme des pas qui se conjuguaient. En montant lentement les longues marches, un timbre de voix aussi ténu qu'un junior ruissela d'une pièce lointaine. Un mince éclat de voix échangeant avec une autre, nettement plus grave.
Elle y scellait sans mal la présence d'une femme, dotée d'une expression dépourvue de la Rebecca qu'elle connaissait. Son rire possédait une consonance moins cynique, qu'elle l'entendait. On eut dit l'exclamation d'une sorcière tapie dans l'ombre d'un château.

Il pouvait donc paraître ludique de deviner que la propriétaire n'avait point en sa connaissance la présence de voyous ayant illégalement pénétré dans sa demeure.
Cependant, lorsque Melinda eut atteint le seuil de l'étage, elle reconnut lucidement cette voix féminine, bourrue derrière la porte. "Elle n'y comprendra que dalle."
"Elle n'y verra que du feu..." suivi d'éclats de rire.

Quand elle trouva l'audace de tourner la poignée, Melinda tomba sur Celena en compagnie d'un grand homme brun habillé en costume sombre. Le regard de braise.

La jeune femme y décelait étrangement la même lueur de fourberie soulignant leur regard, aussi semblables que des membres issus de la même trampe.

- Qu'est-ce que vous faites là ?

- Oh...la petite protectrice n'était-elle pas virée au faite ? Demanda sournoisement la brune.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?

- Oh mais ça change tout figure- toi. Maintenant que tu n'es plus sous la coupole de ma cousine je peux te faire expatrier sur le champ. Comme tu es apparue !
(La voix plus enjouée que jamais. Melinda avait d'ailleurs la désagréable impression d'avoir à faire à une imitation de scène où l'actrice se mettait à jouer avec exagération le côté imbibé de confiance.
C'en était d'une pâleur plutôt inquiétante pour la jeune femme qui s'exprimait indéniablement de manière pathétique que impressionnant.)

- Qu'est-ce que t'attend alors ?

- Tu me défie ? (Le regard approbateur.)

- Ça se pourrait bien. Après tout, tu ne m'as jamais fais peur.

Tout à coup, la jeune brune, de sa robe beige aux milles strass empaillés s'avança d'un pas brusque en sa direction. Puis, vint l'empoigner par les cheveux en basculant sa tête vers l'arrière.

Il y avait l'once d'une teigne farouchement tendre dans le regard, à la faible limite déconcertante sans toutefois affaiblir la belle blonde dans l'âme.
Soudain, Melinda se laissa malgré elle, approcher des lèvres.

Étrangement, il y avait un petit quelque chose qu'elle ne savait déceler sur le moment tant cette rencontre des lèvres parut aussi dépourvue d'amour que de haine.
Juste une infime attirance qui combinait naturellement un intérêt derrière. Melinda pouvait assurément le pressentir dans ses interprétations précédentes concernant la cousine Celena. Elle cernait bien là des intentions mesquines à l'égard de Rebecca, tentant vainement une belle approche pour la dévier.

- Clovis ? Tu veux bien nous laisser s'il te plaît ?

Le garçon ne pipa mot et sortit en laissant les deux jeunes femmes régler leur comptes.

Toutes deux se scrutèrent du regard, l'un étant imbibé de malice, l'autre semblait déterminer une impatience cruciale. Comme si la jolie blonde redoutait la tournure de cet événement tout en regrettant déjà l'abord qu'elle ne s'était vue repousser.

Qu'est-ce que Celena attendait d'elle ? Qu'allait-il en devenir maintenant qu'elle l'avait perçue dans sa vraie nature ?

*******

- Votre correspondant est injoignable, veuillez lui laissez un message après le bip sonore.
Biiip

- Allô , Celena ? C'est moi Rebecca.
Je voulais te remercier pour la soirée d'hier, j'ai passé un agréable moment. Tu ne me croira sans doute pas mais cet après-midi, je suis tombée sur Clovis au centre-ville. C'était... Enfin.
Rappelle-moi et on en discute ?

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