7 • "J'arriverais pas à arrêter tout ça"

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Depuis le départ précipité de Mekra, puis celui de Framal et Sneazzy, je ne peux empêcher mon esprit de cogiter et mon cœur de se tordre. J'ai passé le reste de la journée dans mon lit à fixer le plafond blanc. Enfin en réalité, c'est plutôt mes problèmes que je vois, projetés sous mes yeux.

Pour la première fois depuis toujours, j'avais le sentiment d'avoir trouvé ma place dans ce monde. Elle était auprès de ces 10 mecs que j'avais rencontré deux ans plus tôt, et qui depuis constituaient ma famille. Même si eux se connaissaient tous depuis bien plus longtemps, même depuis toujours pour certains, ils avaient su m'accepter dans leur groupe et me faire sentir aimée, soutenue et entourée, chose que je n'avais jamais ressenti auparavant. J'avais cru avoir trouvé les miens, ma famille. J'avais cru faire partie des leurs.
Pourtant, les paroles de Mekra tournent en boucle dans ma tête, me rappelant mes plus grandes peurs et insécurités. Il m'a clairement fait comprendre que les gars passeraient toujours avant moi. Et c'est évident, bien sur je ne lui en veux pas. Ce sont des frères de cœur depuis toujours. Mais si ses paroles m'ont frappé de plein fouet, c'est parce qu'elles m'ont ramené à la réalité. Après son départ, j'ai pris conscience que je m'exposais au risque de tous les perdre un jour ou l'autre, pour n'importe quelle raison.
Et si un jour une dispute éclatait ? Et s'ils en avaient marre de s'embêter avec une fille qu'ils ne connaissaient à la base ni d'Adam ni d'Ève ? Et si tout venait à s'arrêter un jour ou l'autre ?
A mes yeux ils sont mes frères, tous autant les uns que les autres. Mais pour eux, c'est différent. Je suis une fille, et en plus de ça toute nouvelle dans le groupe. Bien sûr qu'ils privilégieront toujours leur propre amitié à la mienne.
Et je refuse de les perdre un jour. Alors, face à la réaction de Mekra, et pour éviter le désastre imminent, une seule solution m'est apparue. Il faut tout stopper avec Ken, avant que ça n'aille trop loin et qu'on ne puisse plus rien réparer. Quitte à prendre des distances qui me déchireront le cœur. Parce que rien ne peut être aussi douloureux que de perdre mes 10 frères d'un coup.

Les vibrations de mon portable me tirent de mes pensées. J'ai un message de Fram'.

« Juste pour savoir si ma soeur va bien ? On se capte soir ce si tu veux pas rester seule (tqt mon reuf est pas à l'appart) »

Je souris malgré moi, parce que je sais que cette personne là réussira toujours à me donner tout l'amour dont j'ai besoin.

« Recevoir un message d'invitation d'un des rappeurs parisiens du moment ne peut que me faire sourire, petit frisé. Vas-y, j'pars marcher un peu et j'suis al »

Sa réponse ne se fait pas attendre.

« Pourquoi tjrs arpenter Paname la nuit aussi ? Bon, fais belek a oit quand même »

Je sais très bien que mon habitude de marcher seule le soir, et surtout la nuit, a toujours déplu aux garçons. A part à Ken, puisque c'est lui qui m'a initié à cette habitude. Il m'avait emmené un soir alors que mes problèmes du moment m'empêchaient de dormir, et nous avions marché dans le silence apaisant de la nuit.  J'avais aimé l'ambiance déserte de Paris illuminé durant la nuit d'hiver. J'avais eu l'impression de découvrir une nouvelle ville. Et au retour chez moi, j'avais été surprise de voir que cette balade avait totalement vidé mon esprit. J'avais alors gardé cette habitude, mais en vérité je n'allais jamais bien loin. Mes pas me guidaient systématiquement vers les quais de Seine, ou alors dans un parc à mi-chemin entre chez moi et chez Framal et Mekra, là où on se réunissait souvent l'été avec tous les gars.

Les écouteurs dans les oreilles et la casquette sur la tête, je commence à arpenter les rues parisiennes. Puisque je me rends chez Fram' je décide de passer dans notre parc. Je marche pendant 10 minutes, toujours plongée dans mes sombres pensées. Je pense à ce que je vais devoir faire la prochaine fois que je verrai Ken, et ça me brise le cœur d'avance.
Mais je n'étais décidément pas prête à devoir le faire tout de suite. Je peux déjà voir les morceaux de mon cœur s'étaler par terre tandis que j'aperçois Ken juste là, devant moi, sur un banc. Notre banc. Celui où l'on se retrouve toujours, que ce soit prévu ou non, lors de nos balades nocturnes.
Au fond, cela m'étonne à moitié. J'aurais dû me douter que j'allais le croiser en venant ici. Je l'observe quelques instants, avant de prendre la décision de partir. Je ne suis vraiment pas prête à mettre un terme à notre amitié dangereuse tout de suite. Là tout de suite, je veux être égoïste et penser à mon bien avant celui du reste du groupe. Je veux pouvoir me sentir bien quand je suis avec lui, et ne pas culpabiliser par rapport aux autres. Je veux profiter de ça encore un peu.

Storm |k.s|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant