Storm |k.s|

31 • "Ça fait deux ans que ça dure"

Mon corps est toujours emmêlé avec ceux de mes trois amis, et je vois que nous retenons tous les quatre notre souffle tandis que les pas se rapprochent encore. Mon cœur bat si fort dans ma poitrine que je crois que les gars peuvent l'entendre. Et au fond de moi je suis consciente que si mon corps se met dans cet état, c'est parce que je sais parfaitement qui d'arriver. Et je comprends que les gars le savent aussi bien que moi, parce que si moi j'ai relevé la tête en direction de l'entrée pour voir qui est là, eux ont tous les yeux fixés sur moi en attente de ma réaction.

Tous mes doutes se confirment quand je reconnais le corps de Ken s'avancer dans le salon, mais je ne sais pas si je dois être soulagée ou en colère de le voir. Je me souviens qu'encore une fois il m'a abandonné sans un mot ce matin, mais je me souviens également de tout ce qu'il a fait pour moi cette nuit et ce qu'il m'a dit. Je cherche alors à trouver son regard, parce que c'est seulement quand nos yeux se croiseront que je saurais comment je dois agir avec lui. Jusqu'à maintenant je suis perdue, je ne sais plus quoi penser de lui ou de nous. Je ne sais pas si on est réconciliés, ou si il va recommencer à m'ignorer et à me repousser.

Et c'est seulement à ce moment précis, quand je cherche à vois ses yeux noisettes, que je comprends que quelque chose ne va pas. Ken garde la tête baissée et il a baissé la visière de sa casquette au maximum pour dissimuler son visage. Il a les mains dans les poches de sa veste et la capuche sur la tête, ce qui plonge encore davantage son visage dans l'ombre, mais malgré tout je peux voir qu'il est crispé et j'entends que sa respiration est saccadée. Je sais que quelque chose se passe mal, que c'est anormal, et aussitôt mon cœur s'emballe. Quoi qu'il arrive, quand ça touche à Ken je ne peux m'empêcher de me faire 100 films et de m'inquiéter.

Les gars semblent se rendre compte aussi que quelque chose ne tourne pas rond avec Ken, parce qu'ils tournent tous la tête vers lui en un seul mouvement mais sans pour autant changer de position.

- Frère ? Y'a un problème ? demande calmement Sneazzy.

Ken sort les mains de ses poches et en porte une à sa casquette pour relever un peu sa visière, et je me rends compte que ses mains tremblent énormément. Mais c'est seulement quand il relève la tête vers nous que mon cœur s'arrête tout simplement de battre. Son arcade est ouverte et saigne énormément, ce qui laisse une longue coulée de sang le long de sa joue droite, et j'aperçois qu'un bleu prend déjà place sur sa pommette gauche. Et en observant ses mains de plus près, je vois qu'elles aussi sont pleines de sang et que ses phalanges sont toutes abîmées. Si j'en avais pas le souffle et la voix coupés, je me serais certainement levée d'un bond pour le prendre dans mes bras et lui demander qui a osé lui faire ça.

- Je l'ai..., commence Ken.

Il se coupe immédiatement dans sa phrase quand ses yeux se posent sur moi. Il paraît surpris de me voir là, et je comprends qu'il ne m'avait sûrement pas vue puisque je suis à moitié dissimulée sous les corps de Mo et Framal qui continuent de m'écraser de tout leurs poids. Ken rebaisse immédiatement la tête avant que je n'ai le temps de croiser son regard.

- Manquait plus que ça, il souffle.

Puis, toujours sans relever la tête vers nous, il tourne les dos et part s'enfermer dans la salle de bain de Mo. Et moi je laisse retomber lourdement ma tête sur le torse de Mekra, puis je soupire tout en fermant les yeux. Apparemment, cette nuit n'était qu'une parenthèse dans notre guerre. Il a choisi de me repousser encore, et de m'abîmer encore.

- Qu'est ce qu'il a foutu encore celui-là, murmure Mekra.

J'ouvre à nouveau les yeux pour constater que Mo et Framal secouent la tête pour répondre à Mékra, avant de s'écraser un peu plus sur nous, puis mes trois amis poussent un gros soupir comme s'ils ne formaient qu'un. Aucun de nous n'ose briser le silence que l'arrivée de Ken a instauré, et je n'arrive même plus à imaginer qu'il y a à peine 2 minutes nous étions en train de rire aux éclats. J'ai l'impression que Ken me force à renoncer à n'importe quel moment de bonheur auquel je parviens à goûter, parce qu'il sait qu'il est le seul à le pouvoir.