Storm |k.s|

23 • "Ses yeux bleus avaient hanté mes rêves"

Point de vue de Ken.

Je suis installé dans mon canapé avec mes frères autour de moi. Les gars parlent et rigolent mais je ne les entends même pas, c'est à peine si j'ai conscience de leur présence. Ils font tourner les verres et les joints, mais pour une fois je les refuse tous d'un signe de tête, n'ayant pas la tête à ça. Je sais que je ne parviendrai pas à m'amuser et je refuse de sombrer dans la tise ou dans la drogue ce soir, car je sais à quel point ça dégradera mon état actuel, qui est déjà bien amoché. Donner ce genre de substance à quelqu'un qui ne va pas bien, c'est l'inciter à s'enfermer un peu plus dans son malheur. C'est l'enfermer dans un putain de cercle vicieux et je n'ai absolument pas besoin de ça en ce moment.

Mon cerveau surchauffe dans la fumée grise qui a envahit mon appartement. A travers la fumée, je vois son visage à elle qui se dessine et elle m'empêche une fois de plus de penser clairement. Peu importe ce que je fais, qu'elle soit avec moi ou non, depuis que je la connais cette fille a pris possession de mon esprit tout entier. Elle me hante partout où je vais, me poursuit même parfois jusque dans mes rêves. C'est comme une obsession. J'ai d'abord mis du temps à m'en rendre compte, puis à l'accepter, mais elle a une emprise sur moi. Et parfois je me déteste pour ça, pour ne pas avoir réussi à me contrôler. Je me déteste pour avoir voulu la séduire au début pour ensuite tomber dans mon propre piège. Même ici, entouré de tous mes frères, c'est à elle que je pense et c'est elle que je veux entendre rire.

Je me mets légèrement à culpabiliser quand je pense que normalement, c'est avec elle que je devrais me trouver à l'instant précis. Et que si je le voulais, je pourrais être en train de la faire rire juste pour entendre ce son. Je suis mon propre boureau, mais c'est plus fort que moi. Il faut que je stoppe tout avant que ça n'aille trop loin. Je culpabilise encore plus quand je pense que j'ai forcé mes propres frères à lui mentir et à l'occuper pour la journée, pendant que moi je voulais juste la fuir. Ils pensaient au départ que je voulais lui faire une surprise et que c'est pour ça qu'il devait la tenir occupée, mais eux aussi ont compris que quelque chose n'allait pas quand ils ont su que j'étais chez Deen toute la journée, et que j'étais loin d'être occupé.

Je sens de temps en temps le regard de mes meilleurs potes s'attarder sur moi, pour ensuite s'échanger des regards soucieux entre eux. Ils me connaissent par coeur et je sais très bien qu'ils ont compris que quelque chose ne va pas. Il suffit de me regarder assis seul sur mon canapé, le visage baissé et les sourcils froncés, ne prononçant pas un mot. Mais ils savent comment je fonctionne, ils savent que dans ces moments-là je veux seulement me retrouver seul avec mes pensées bancales. C'est pour ça qu'ils ne posent aucune question, et c'est pour ça que je les remercie intérieurement. Encore une preuve qu'entre nous on se sait. Mais au bout d'un moment, je n'en peux plus de devoir faire semblant devant eux.

- Les gars, c'est pas que j'veux vous tej dehors, mais j'ai des trucs à faire là..., je dis.

Tous les regards se posent sur moi, ils sont apparemment étonnés de ma prise de parole. La première de la soirée.

- Qu'est ce que tu peux avoir à faire à 23h gros ? demande Doum's.

Je hausse les épaules.

- Ca va on a compris, y'a Charlotte qui débarque, dit simplement Sneazz.

- Et il la veut pour lui tout seul, enchaîne Framal.

Leurs mots me transpercent tout entier, mais je tente de garder une expression neutre tandis qu'ils me tchèckent tous un à un avant de sortir. Mais une fois seul, c'en est trop pour que je puisse continuer à me contenir. J'attrape violemment la bouteille de whisky posée sur ma table basse, en faisant tomber un verre au passage, et la balance de toutes mes forces contre le mur en face de moi. Le verre de la bouteille se brise dans un tintement mais je m'en tape complètement, c'est mon cerveau qui vrille et que je veux à tout prix soulager . Mais lorsque je regarde mon parquet, j'ai l'impression que c'est mon âme que je vois éparpillée en mille morceaux.