22 - "Ce soir, au banc"

4.2K 172 18
                                    

Point de vue de Ken.

Charlotte dort déjà depuis quelques heures, son corps brûlant collé au mien. Mais pour ma part, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Mon cerveau en surchauffe m'empêche de me détendre suffisamment pour laisser le sommeil s'infiltrer dans mon corps. Je sais que dans ces cas-là ma seule délivrance c'est l'écriture, c'est pour ça qu'une heure plus tôt je suis sorti sur le balcon de Charlotte avec mon petit carnet. Mais même avec ça, rien n'y faisait. Je n'ai rien pu écrire, même si j'espérais exorciser mes démons pour les transformer en inspiration, parce que mon esprit est bien trop embrouillé

T'es la personne qu'il me fallait.

Sa phrase tourne en boucle dans ma tête. Quand elle l'a prononcé je n'ai rien su répondre. C'est comme si mon corps s'était paralysé et que ma voix s'était envolée. Mais je sais qu'elle s'en fiche, qu'elle ne disait pas ça dans l'espoir d'avoir quelque chose de moi en retour. Elle m'a simplement dit ce qu'elle ressentait sur le moment, sans pour autant désirer que moi aussi je lui dise ce que je ressens. Ce n'est pas ça qui m'inquiète.

Le problème qui plane dans mon esprit c'est que cette phrase prononcée par la fille que j'aime aurait dû me réchauffer le cœur et le corps, j'aurais dû être heureux de savoir qu'elle considère que je lui corresponds parfaitement. Mais au contraire, sa phrase m'a dérangé. Cela a réveillé quelque chose qui jusqu'alors était caché au plus profond de moi. Quelque chose comme de la peur et de l'incertitude. Mais pour une fois, c'est pas pour moi que je m'inquiète. Non, cette fois, c'est pour elle.

Je sais bien que Charlotte est la fille qu'il me faut. Je le sais depuis longtemps, presque depuis que je la connais. J'ai parfois l'impression qu'elle a été créée spécialement pour moi, tant tout en elle correspond parfaitement à ce que je recherche chez une femme. Je pense qu'elle est celle que j'attendais et que j'espérais depuis des années, peut-être même depuis toujours. Et à chaque fois qu'elle se réveille la nuit, qu'elle me sourit et qu'elle se serre à nouveau contre moi, cela renforce le sentiment que j'ai qu'elle est la fille avec qui je dois être. Je la veux dans tous mes matins, et dans chacune de mes nuits.

Mais pour autant je ne suis pas certain que cela signifie que moi, je suis l'homme qu'il lui faut. Je sais que je suis quelqu'un d'abîmé par la vie, et elle le sait aussi. J'ai parfois des pulsions dévastatrices, même si Charlotte parvient à m'apaiser pour l'instant. Je ne sais pas si elle y arrivera indéfiniment. Je ne sais pas si j'aurais les épaules assez solides pour porter le poids de deux personnes lorsqu'elle aura réellement besoin de moi, lorsque la vie l'abîmera elle aussi. Je sais qu'à ce moment-là je voudrai faire de son chagrin le mien pour l'aider à traverser n'importe quelle épreuve déchirante, mais je doute d'y parvenir. Je ne suis pas certain de pouvoir apporter à Charlotte tout ce qu'elle mérite. Alors même si elle a l'air de le penser sincèrement, suis-je vraiment la personne qu'il lui faut ?

Mon cerveau s'épuise à force de cogiter et je finis enfin par m'assoupir quelques heures. Mais mon sommeil est loin d'être reposant, au contraire il est pleins de mauvais rêves et d'agitations. Je me réveille en sursaut et en sueur quelques heures plus tard, et je comprends vite qu'il sera impossible pour moi de retrouver le sommeil. Charlotte, elle, dort toujours paisiblement. Je la détaille pendant un moment avant de me tourner vers la fenêtre. Le jour commence tout juste à se lever sur Paris, le réveil de Charlotte indique 5h52, et je sais qu'il faut que je me lève.

Je me lève discrètement pour ne pas réveiller Charlotte et rassemble mes affaires sans un bruit, tout en lui lançant des coups d'œil de temps à autre. Même quand je dois partir, mes yeux ne parviennent pas à se détacher d'elle et cette pensée me faire sourire autant qu'elle m'énerve. Je cherche longuement après mon tshirt afin de me rhabiller, avant de me souvenir que c'est elle qui le porte. Encore une fois, cela me fait sourire tandis que j'enfile mon sweat.

Storm |k.s|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant