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Nous venons d'arrivée chez Anne. La maison est vide, silencieuse. Je suis Alexis passant par la cuisine pour rejoindre l'arrière-cour. Le paysage est encore plus beau que l'autre jour. Le soleil tombe derrière les buildings de New York. La ville est déjà illuminée. Le ciel et d'un dégradé de bleu, je sens les deux bras tatoué d'Alexis entouré ma taille. De l'orange, elle pose son menton sur mon épaule avant de me chuchoter à l'oreille :

- Tu veux t'asseoir ?

Je hoche la tête comme simple réponse. Elle dépose un doux baisé sur mon cou, je frisonne. Un mélange de violet, on s'assoit d'une façon naturelle l'une contre l'autre. Je suis entre ses jambes, ses bras ne quittent pas ma taille. Je pose ma tête sur son épaule. Du jaune, j'enlace mes mains aux siennes. Le paysage est extraordinaire mais ce qui l'est encore plus, c'est la présence d'Alexis qui rend ce moment unique et merveilleux.

- Il faut que je te dise quelque chose Ash.

Je fronce les sourcils sans pour autant tourner mon visage en sa direction. Alexis me paraît tendu après cette phrase.

- Si j'ai réagi comme ça pour mes parents c'est parce que je n'ai jamais connu mon père.

Je croise son regard vert, mes doigts trace sa ligne de vie.

- Comment ce fait-il ?

- Il est décédé quand j'étais bébé.

- Je suis désolé.

- En ce qui concerne ma mère, je la déteste plus que tout. Je partage un studio avec elle dans une cité à vingt minutes de New York. Par moments, j'ai des beaux-pères qui défilent les uns après les autres sans compter le plus tenace qui lui passe sa vie chez nous. Un vrai connard, je te le jure. Sans compté sa dépendance pour l'alcool.

- Et c'est pour cette raison que tu as vécu en foyer ?

- Oui. Ma mère a toujours eu un problème avec l'alcool. Quand j'avais six ans, l'assistance sociale l'a placée dans un centre de désintoxication. Il était convenu qu'elle suive sa cure à la lettre et qu'elle me récure ensuite. Elle a tenu deux semaines à sa sortie avant que les services sociaux ne se déplace pour la deuxième fois.

- Que s'est-il passé après ?

- Je suis resté dans ce foyer une bonne partie de ma jeunesse, j'ai grandi là-bas, toute seule. À la fin de mon adolescence, elle a récupéré ma garde et rien a changé. Ma mère est toujours la même.

- Je ne sais pas quoi dire.

- Alors ne dit rien, je voulais juste que tu le saches.

Alexis me sert un peu plus contre elle. Son vécu me touche. Derrière cette carapace d'une jeune fille dure et solide ce cache en réalité une âme blessé.

- Tu me fais revivre Ash.

Instinctivement, mon visage s'illumine autant que la vue devant nous. Le ciel est maintenant noir. Elle aussi me fait revivre. Depuis notre rencontre, je me sens utile, importante. Si seulement tu savais Alexis tout ce que je ressens près de toi. Mon cœur qui pourrait exploser à n'importe quel moment. Ce nœud dans mon ventre qui se sert peu à peu. Est-ce d'ailleurs cette sensation surnommée "papillon dans le ventre". J'aurais aimé te dire ces mots qui me brûlent les lèvres. Je te jure qu'ils sont là mais tu ne le sauras pas. Peut-être que je ne suis pas prête à ne plus réfléchir. Suis-je trop faible ou ai-je trop peur que ce ne soit pas réciproque. Quand ta main touche la mienne avec douceur, quand j'enfile l'écouteur en même temps que toi, que nos regards ne se lâchent plus, ça me déstabilise. Tout ce que je ressens et nouveau, fort et inexplicable. Alexis, tu es arrivé dans ma vie avec tes yeux verts, ton côté mystérieux, tes fossettes, ton rire et tes secrets. Tu es arrivé dans ma vie avec eux faisant tout basculé. Oui, je pense tombé amoureuse de toi encore plus quand ton regard s'ancre dans le mien sous la mélodie douce d'une musique des années 80. Ta passion, je l'adore déjà. Que j'aime ces sons grâce à toi.

L'air commençait à faire frais aux alentours de minuit. Main dans la main, nous rentrons à l'intérieur. Je la regarde fermer la baie vitrée, s'accroupir devant la piscine pour plonger sa main dans l'eau. Je fronce les sourcils, son expression de visage semble amusée quand elle se relève pour s'approcher de moi et je comprends dans un seul regard.

- Tu n'oserais quand même pas ?

- Il est minuit.

Elle sourit, c'est la première fois que je vois Alexis sourire de cette façon. Je recule doucement alors qu'elle s'approche dangereusement de moi.

- Je ne suis pas cendrillon, promis.

Elle rigole.

- Ta blague est vraiment nul Ash.

Sa main se glisse sur ma hanche, nos corps se rapproche. Elle pause son front contre le mien, ses yeux brillent et je pourrais parier que moi aussi. Son sourire devient taquin et sans que je m'y attende, on trébuche dans l'eau. Quand je remonte à la surfasse, elle y est déjà. Alexis rigole de plus belle, j'aime la mélodie de son rire. Je balance mes cheveux en arrière. L'eau est tiède. Notre échange visuel devient intense, beaucoup trop. Ses cheveux noirs sont en bataille. Je me mords la lèvre quand elle avance vers moi. Son t-shirt blanc lui colle à la peau, je rougis. Sa main glisse de ma joue, à mon épaule jusqu'à ce que nos doigts s'enlacent les uns aux autres. Je frissonne quand son autre main, revient sur ma joue. Notre bulle habituel se forme autour de nous, plus rien à d'importance. C'est juste elle et moi, habillé dans une piscine. Sa main dans la mienne est l'autre sur ma joue. Son visage qui s'approche du mien, sa langue qui passe sur ses lèvres. Ce geste me rend nerveuse. Mon souffle est rapide, chaud autant que le sien. Je dépose tremblante, ma main sur son poignet proche de mon visage. Son pouce caresse ma peau. Je ferme les yeux. Son visage est encore plus proche. Mon cœur bat vite, Alexis regarde mes lèvres, je fais de même. Et alors que mon esprit se brouille, elle dépose un baiser sur ma joue.

Alexis dort déjà, son bras fait le tour de ma taille. Je l'observe. Sa courte chevelure est en bataille. Ses lèvres légèrement entrent ouvertes font parfois de petit mouvement. Elle paraît si paisible. Je souris comme une idiote, elle est magnifique. Je repense à notre moment plus tôt dans la piscine. Je regarde ses lèvres et réalise que j'en avais envie. J'aurais aimé qu'elle m'embrasse, j'aurais aimé sentir ses lèvres contre les miennes. Ce qui me fait peur à cet instant précis, c'est de tomber amoureuse et que ce ne soit pas réciproque. Le reste n'a pas d'importance ce soir, pour une fois, je ne veux pas réfléchir. Je tombe amoureuse d'Alexis. Elle avait raison, l'amour, ça ne se contrôle pas, on ne choisit pas qui on aime. 

DEUX HORIZONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant