Je suis [BxB]

Chapitre 28

Soen shoota dans un caillou, le regard vide. Ces derniers temps, il n'arrêtait pas d'avoir des crises incontrôlables. Autant de panique que de moments où ses nerfs lâchaient complètement. Il était épuisé, aussi physiquement que mentalement. Le poids de toutes ces années sur ses épaules devenait beaucoup trop lourd à porter. Ses nuits, quand il parvenait à dormir, étaient cauchemardesques. Soen revoyait sans cesse tous ses démons le hanter et revenir chaque soir.

Soen n'avait aucun répit.

Et parmi tout cela, il était là. Il commençait petit à petit à le remplacer, et Soen n'aimait pas cela. Il n'aimait pas, car il n'arrivait pas à comprendre comment une telle chose était possible. Twill était le seul qui comprenait ses angoisses. Personne d'autre n'en n'était capable.

Pourtant, Neven y parvenait. Il perçait son impénétrable carapace. Lentement, certes, mais il y arrivait. Hormis Faël et, très rarement, Alanis, Maëva et Amédéo, jamais personne n'était venu chez lui. Puis Neven était apparu.

Soen souffla de frustration. Il s'arrêta de marcher, en plein milieu de la rue. Il en revenait à chaque fois au même point. Point qu'il souhaitait oublier. Soen ne pouvait pas continuer ainsi.

Le chanteur retourna chez lui. Il était seul. Au moins, il n'aurait pas à faire semblant devant le reste de sa famille.

Soen referma la porte à clef. Il se déchaussa et se rendit dans sa chambre. Il s'allongea sur son lit en poussant un long soupir. Il vérifia son téléphone en le sentant vibrer contre sa cuisse. C'était Faël. Il lui souhaitait une bonne soirée et lui disait qu'Ethel allait faire son rapport à leur manager. Soen le remercia de le tenir informé.

Soen était sur le point de s'endormir, bercé par le calme de la maison et la solitude. Il n'en n'avait plus l'habitude. Ses insomnies commençaient à avoir raison de lui et il était sur le point de tomber de fatigue. Cependant, des coups furent brutalement frappés contre la porte d'entrée. Soen se leva sans rien dire. Il n'avait pas besoin de râler contre la personne qui venait le déranger, car il savait pertinemment de qu'il s'agissait.

Avant d'aller ouvrir, il se débarrassa de son tee-shirt pour enfiler un large pull. L'air s'était rafraîchi dans l'appartement. Malgré le compte bancaire largement plus rempli de Soen, Elea refusait toujours catégoriquement de prendre son argent pour s'occuper de la maison. Il avait assez insisté pour ne plus avoir à le faire.

Soen se traîna jusque dans l'entrée. Légèrement endormi, il eut du mal à ouvrir la porte. Quand il y arriva, il tomba sur Neven, les mains enfoncées dans les poches de son slim, les joues légèrement rougies. En l'entendant, il releva la tête et offrit un petit sourire à Soen qui ne lui rendit pas. Neven ne se laissa pas démonter pour autant.

- Je peux entrer ?

- Tu es trempé.

Neven pouffa de rire.

- C'est ta façon à toi de me dire non, merci ?

Soen le fixa longuement, avant de se décaler pour le laisser entrer. Neven le remercia et passa la porte.

Les deux garçons se rendirent dans le salon. Ils prirent place sur le canapé. Soen replia ses jambes contre lui, les entourant de ses bras. Il posa son menton sur l'un de ses genoux. Ils restèrent silencieux un instant, puis Neven reprit la parole :

- Comment s'est passé ton premier rendez-vous avec Ethel ? demanda-t-il.

- Tellement bien que je suis parti... marmonna Soen.

Neven sourit malgré lui. Soen se leva pour aller leur chercher quelque chose à boire. Quand il revint, Neven avait retiré sa veste trempée, ainsi que ses chaussures et ses chaussettes. Soen lui tendit une bière. Il décapsula la sienne et la posa en équilibre sur ses cuisses, afin de sortir son paquet de cigarettes de sa poche. Il en coinça une autre ses lèvres et récupéra sa bière.

Neven s'approcha de lui.

- Pourquoi tu fumes ? questionna-t-il soudainement.

Soen recracha doucement la fumée. Il hésita un long moment.

- Parce que ça m'aide, répondit-il.

- A quoi ? A détruire tes poumons ? rétorqua Neven.

Il s'excusa immédiatement d'avoir été aussi agressif. Pourtant, il le savait : brusquer Soen était la pire chose à faire pour l'inciter à parler. Il ne réussirait à rien d'autre qu'à le braquer.

Soen but une petite gorgée de bière. Neven se rapprocha encore de lui. Sa cuisse touchait presque le pied du chanteur.

- A me détendre. Quand je fume, je ne pense plus à rien. Je regarde juste la fumée s'envoler et s'échapper aussi facilement dans l'air. Plus je fume, plus je me dis que j'aimerais n'être qu'une chose infime et insipide qui peut disparaître sans causer de peine.

Soen ne vit pas le regard de Neven se voiler. Il posa sa bière sur la table basse et écrasa sa cigarette dans le cendrier. Il frotta son visage, tout en poussant un long soupir.

- J'aimerais vraiment tout faire pour t'aider... murmura Neven.

Soen secoua la tête. Sa jambe gauche se mit à tressauter entre ses bras.

- Personne ne peut m'aider, dit-il sur le même ton, je suis un cas désespéré.

- Tout le monde peut l'être. Il suffit juste de trouver celui ou celle qui sera le bon.

Soen émit un rire jaune. Tout son corps se mit à trembler. La discussion partait sur quelque chose qu'il n'aimait pas évoquer : son passé.

- Celui dont tu parles n'est plus là pour le faire.

Soen souffla encore. Son regard passa de Neven à ses genoux à plusieurs reprises. Il reprit la parole :

- Pourquoi tu t'accroches autant à moi alors que je passe mon temps à te repousser ?

Neven combla les derniers centimètres qui le séparaient de Soen. Ce dernier se tendit face à la soudaine proximité avec son assistant.

- Parce que j'ai beau tenter d'ignorer ce que je ressens... je me suis attaché à toi.

Sans que Soen n'ait le temps de faire quoi que ce soit pour l'en empêcher, Neven posa ses lèvres sur les siennes. Il n'approfondit pas le baiser qui fut tendre, chaud et délicat.

Soen, depuis bien longtemps, appréciait le contact avec une autre personne. Cependant, un autre sentiment dominait en lui.

« Je suis surpris. » - Soen.