Je suis [BxB]

Chapitre 30

Soen revint dans le salon, son piano électrique dans les bras. Il l'installa devant le canapé et Neven s'assit juste devant. Il se frotta les mains, tout content d'apprendre enfin le piano. Il en rêvait depuis qu'il était petit, mais ses parents n'avaient pas assez d'argent pour lui payer des leçons ou lui acheter un piano. Soen, quant à lui, l'avait obtenu grâce à ses amis qui lui avaient offert comme cadeau d'anniversaire.

Soen se recula dans le canapé pour être certain de ne pas être en contact avec Neven. Leurs échanges de tout à l'heure lui avaient largement suffit. Il prit la même position que précédemment ; les jambes relevées et ses bras autour.

- Tu m'apprends ? demanda Neven avec une joie non feinte.

- C'est très simple. Tu poses tes doigts sur les touches et tu appuies dessus.

Neven se tourna vers le chanteur en faisant la moue. Il joignit ses mains qu'il plaça sous son menton. Son regard se fit implorant.

- S'il te plaît...

Soen ferma les yeux un instant en soupirant. Il montra plusieurs touches que Neven devait presser – ce qu'il fit avec engouement. Soen lui montra d'autres accords avant de perdre légèrement patience. Il récupéra le piano.

- Hé ! s'exclama Neven.

Soen ne lui accorda pas la moindre attention. Il se craqua doucement chacun de ses doigts, avant de se mettre à jouer. Neven l'écoutait, tandis que Soen était concentré sur la mélodie. A chaque fois qu'il faisait de la musique, il était comme transporté dans un autre monde. Il interprétait l'une des chansons de The Devil's Tears. L'une de ses préférées qu'il avait écrite avec Faël, un soir de mélancolie. C'était une mélodie lente et triste qui plaisait beaucoup à Soen.

Quand il eut terminé, le silence retomba dans la pièce. Neven le regarda longuement, alors que Soen gardait les yeux rivés sur le piano. Neven posa une main sur son bras, mais le chanteur se dégagea immédiatement.

- Laisse-moi du temps... murmura-t-il.

- Tu veux que je rentre chez moi ?

Soen mit longtemps avant d'acquiescer lentement. Il ne voulait pas que les choses aillent trop vite. Il savait qu'il avait encore besoin de quelques mois avant qu'il ne réussisse à accepter Neven en temps qu'ami.

Neven se leva du canapé. Soen l'entendit récupérer ses affaires et prendre la porte après lui avoir dit au revoir. Soen s'adossa un peu plus contre le dossier du fauteuil. Il se frotta le visage tout en soupirant. Les choses étaient si compliquées avec lui...

***

Soen acheva la dernière chanson avant de saluer le public et de descendre de scène. Il récupéra une bouteille d'eau posée par terre, tout en notant mentalement que Neven n'était pas là. Cela lui paraissait étrange. Neven était toujours là. Aussi, Soen décida de partir à sa recherche. Il ne prit pas la peine de prévenir Faël, Alanis et Maëva qu'il s'éloignait déjà.

Soen parcourut les couloirs en regardant à droite et à gauche. Ce ne fut qu'en arrivant devant une porte fermée qu'il entendit une voix :

- C'est le dernier retard que je tolèrerai, c'est bien compris ?! Si tu te pointes au travail avec ne serait-ce qu'une minute de retard, tu seras viré. J'espère que c'est clair !

La porte s'ouvrit soudainement, faisant presque sursauter Soen. James Parker passa devant lui sans le voir tant il était énervé. Soen s'empressa d'entrer et de les enfermer. Alerté par le bruit, Neven releva la tête vers lui, pensant qu'il s'agissait de son patron. Il soupira de soulagement en voyant que ce n'était que le chanteur.

Soen s'approcha de son assistant. Il constata que ses yeux étaient mouillés et qu'une grande griffure barrait sa joue gauche. Soen la toucha du bout du doigt. Ses pupilles s'étaient dilatées de colère.

- C'est Parker qui t'a fait ça ? gronda-t-il. Il t'a frappé ?!

- Non... C'est mon chat qui m'a griffé.

Soen fronça les sourcils. Sa main qui effleurait la joue de Neven glissa sur son bras pour le serrer.

- Pourquoi tu... pourquoi tu me mens ?

Neven parut surpris.

- Quoi ? Tu délires. C'est vraiment mon chat qui m'a attaqué.

Soen raffermit sa poigne sur le bras de Neven, alors qu'il lui attrapait l'autre de sa main libre. Il commença à le secouer.

- Ne me mens pas, Neven ! le menaça-t-il avec colère. Pourquoi tu me mens ?! Je te fais confiance et toi tu me trahis !

Soen secoua Neven un peu plus fortement. Il le fit reculer, jusqu'à ce que sa tête heurte le mur à chacune des secousses. Son assistant le supplia d'arrêter, mais Soen ne l'écouta pas. Il desserra une main pour gifler sa joue déjà abîmée. La tête de Neven partit sur le côté sous la violence du coup. Sa griffure se rouvrit et se mit à saigner. Neven ouvrit la bouche tant il était stupéfait.

- Soen...

- Tais-toi ! Tu n'as pas le droit de parler, je ne te l'ai pas autorisé !

Les yeux de Soen étaient noirs. Une impressionnante aura de violence et de haine émanait de son corps, terrifiant Neven qui n'osait plus rien dire.

Soen assena d'autres puissantes claques à Neven, dont des larmes se mirent à jaillir de ses yeux. Il le secoua encore, ce qui faisait cogner l'arrière de son crâne contre le mur derrière lui. Neven était trop choqué pour parler. Seuls des gémissements de douleur réussissaient à franchir la barrière de ses lèvres. Il n'avait même pas assez de forces pour lui demander d'arrêter. Tout son corps n'était plus que chiffon entre les mains violentes de Soen.

- Ne recommence plus jamais ! hurla ce dernier.

La tête de Neven heurta une dernière fois le mur, avant que ses paupières ne se ferment. Soen arrêta alors de le brutaliser.

- Nev... Neven... ? balbutia-t-il.

Il tapota son visage avec une douceur incroyable qui contrastait totalement avec ses précédents gestes. Il n'obtint aucune réaction de la part de Neven, hormis un dodelinement inconscient de sa tête sur ses épaules.

- Hey... Neven, non... Ouvre les yeux, s'il te plaît... C'était... c'était un accident, pas vrai ? Toi et moi on le sait... Aller... Ouvre les yeux...

Soen s'était laissé tomber à genoux sur le sol. Il se berçait en même temps que son assistant, comme on le ferait avec un enfant.

- Je t'en prie, Neven... S'il te plaît... Je ne recommencerai plus... C'était un accident...

« Je suis traumatisé. » - Soen