Chapitre 01: « Dans les ténèbres à chacun son destin. »

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Chapitre 01: « Dans les ténèbres, à chacun son destin. » -Gao Xingjian

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«Je t'en prie, ne me lâche pas, j'ai besoin de toi.»

Non, je n'allais pas te lâcher, mais ... Tout ce sang, il y avait tellement de sang ! Je me sentais impuissant, c'était fou, je ne pouvais rien faire, j'étais paralysé. Il était allongé dans mes bras et il perdait la vie petit à petit. Je le serrai plus fort contre moi, le suppliant de rester. Il ne pouvait pas partir, il ne pouvait me laisser. Mes mains étaient poisseuses, mon visage aussi. Son sang avait giclé sur ma joue.

«Justin ... Aide-moi, je suis en train de crever !»

Je me réveillai en sursaut dans mon lit. Encore ce fichu cauchemar. J'en pouvais plus. Je restais un moment immobile. Ma respiration était vraiment bruyante et j'avais du mal à respirer correctement alors je me redressai et essayai de me calmer. Je retirai mon t-shirt qui me collait à la peau et le balançai le plus fort que je pus contre le mur opposé. Je me rallongeais doucement, prenant tout mon temps, je n'essayais pas de fermer les yeux de nouveau. Je savais que je verrai encore son visage, que je le reverrai mourir devant mes yeux. Je n'ai pas besoin de ça, surtout pas en ce moment.

Demain, je partais, je quittais San Francisco. J'allais devoir quitter tout ce que je connaissais depuis mon enfance et c'était dur de partir en laissant tout derrière moi alors si en plus, je devais avoir tous ces souvenirs dans la tête, ce serait insupportable. Je partais car on m'avait trouvé une famille d'accueil, loin d'ici. A Pasadena, près Los Angeles. Je ne connaissais personne, ce n'était pas plus mal pour moi, pour mon avenir, je veux dire. D'après le juge, cela serait que bénéfique et puis ce n'était pas pour longtemps, au cas où cela se passerait mal. Eh oui, je prenais dix-huit ans dans deux mois.

Qu'est-ce que je ferai quand je les aurai? Je me retrouverai à la rue? J'étais un peu effrayé quant au futur. J'avais toujours fais ce que j'avais envie de faire. Dorénavant, je ne pourrai plus. Le juge m'avait prévenu : «Écoutez Monsieur Bieber, la prochaine incartade, c'est la prison. Je sais que vous avez eu la vie dure mais on ne peut pas vous laisser agir de la sorte. Quelqu'un est mort à présent, il est temps que vous vous ressaisissiez. C'est pour cela que je vous envoie à Los Angeles, dans une famille d'accueil. » Effrayant, n'est-ce pas? Oui, je suis responsable de la mort de quelqu'un. Je crois que cette culpabilité ne partira jamais. Elle m'accompagnait quand je me levais le matin, quand je me couchais le soir. Elle me poursuivait dans mes rêves et dans mes activités quotidiennes.

Vers les cinq heures du matin, mon père -alcoolique et violent- entra dans la chambre. Ma mère était partie quand j'étais tout petit. Elle ne supportait pas d'être mère, elle ne m'aimait pas. Enfin, c'est ce que disait mon père. Mais est-ce que seulement je pouvais le croire? Je veux dire, quelle mère n'aime pas son enfant? Enfin, c'était bien à moi de dire ça. Je ne croyais pas en l'amour. Pour moi, et je le pensais sincèrement, il n'y avait que les faibles qui ressentaient ce besoin et je ne l'étais pas. On aimait quelqu'un par peur. Que ce soit la peur de la solitude ou de l'ennui, c'était les seuls motifs. On avait aussi des enfants quand on avait peur de la vieillesse. Moi, je ne veux pas d'enfants et je ne veux pas de femme non plus. Et puis en plus de ça, les filles partaient toujours de toute façon, alors à quoi bon s'attacher à elles, si c'est pour souffrir après? Disons, que je passais souvent du bon temps avec elles et ça s'arrêtait là. Je n'avais jamais eu de copine officielle, ça ne servait à rien. J'étais vraiment contre tout idée de romantisme ou quoi que ce soit qui s'en rapprochait. Cela m'écœurait.

-Bon, tu dois te lever, ils viennent te prendre.

Je dois dire que je n'étais pas particulièrement triste de partir. Mon père était un enfoiré, un enfoiré qui avait pris soin de moi mais un enfoiré quand même. Je n'étais pas vraiment attaché à lui et en plus de ça, il aimait plus la bouteille que moi, donc ce n'était pas plus mal. Pendant longtemps, je l'ai détesté. Je lui en voulais énormément de me frapper quand je rentrais des cours et que je lui demandais ce qu'on mangeait le soir ou lorsque j'avais une mauvaise note à l'école, ce qui arrivait souvent. Apparemment, il ne voulait pas que je le dérange alors, j'ai fait ma vie de mon côté. Je ne rentrais à la maison que pour dormir et le reste du temps, je partais avec les copains faire des conneries. Comme d'habitude. C'était ça ma vie, les potes, l'alcool et les filles de temps en temps. Il était comme ça depuis que ma mère était partie, j'avais neuf ans. Je me rappelle encore la dernière journée que nous avions passé tous les trois. Je n'ai que de vagues souvenirs d'elle, peut-être que même ceux que j'ai sont tout droit sortis de mon imagination, mais pas cette journée. Non, elle était trop claire dans ma tête. Ma mère m'avait gardé, je n'étais pas parti à l'école et mon père quant à lui, était au travail. Elle m'avait emmené au parc, ce qu'elle ne faisait jamais, ou très rarement. J'aurai du voir un signe, mais j'étais qu'un gamin. Nous avons joué tout l'après-midi, elle était tellement proche de moi ! Je crois qu'elle voulait me faire comprendre qu'elle me disait adieu. En rentrant à la maison, elle m'avait offert une glace au chocolat. Il faisait chaud ce jour-là, c'était agréable de tenir la main de ma mère et l'autre main tenir ma glace qui était énorme. Puis nous sommes arrivés à la maison, ma mère a m'a dit, en m'embrassant sur la joue, qu'elle avait oublié quelque chose dans la voiture. Là, aussi j'aurai dû comprendre, nous étions partis à pied, pas en voiture. Je la vois encore sortir, me faire un signe de la main, je revois encore ses yeux humides puis elle est sortie, pour ne plus jamais revenir. Je l'ai attendu dans le salon longtemps, très longtemps. Je crois même avoir pleuré parce que je me sentais seul et désemparé. Je crois qu'au fond, il n'y avait qu'une seule personne pour qui j'éprouvais de l'affection et c'était elle. Je savais, du moins je l'espérais, qu'elle n'avait jamais voulu me quitter, qu'elle avait été obligé parce qu'elle était malheureuse avec mon père. Souvent, quand j'étais jeune, j'imaginais qu'elle revenait me prendre en pleine nuit et que nous partions tous les deux loin d'ici pour être juste heureux.

The Pact.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant