Paradis Brisé (Tome 2 de Paradis Secret) © [TRILOGIE SOUS CONTRAT D'ÉDITION]

Chapitre 38 Elena (Tome 2)

J'ignorais depuis combien de temps j'étais couchée sur le lit de cette chambre qui m'était complètement étrangère.

Je ressentais tout et rien à la fois. J'étais submergée par tellement de sentiments de toutes sortes que je n'arrivais pas à les gérer, ne sachant pas comment y faire face. La seule chose que j'arrivais à faire, c'était pleurer toutes les larmes de mon corps alors que tout tournait en boucle à l'intérieur de ma tête, comme un film, étant spectatrice de tout ce qui se déroulait autour de moi et qui chamboulait mon existence. Et je me sentais totalement impuissante, ayant voulu avoir le pouvoir de tout arrêter par ma seule volonté... mais c'était bien beau de rêver. Les choses ne cessaient pas juste parce qu'on le voulait, malheureusement. Ce passé que je me trimballais comme un boulet d'année en année, j'en avais tout simplement marre. Tel le venin d'un serpent, je devais m'en débarrasser totalement afin de pouvoir guérir et tant que je n'y ferais pas face entièrement, jamais je ne pourrais aller de l'avant.

Je voulais tourner la page, plus que jamais et j'étais véritablement prête à avancer... mais comment le faire alors que je venais d'apprendre que mon père était toujours de mèche avec ces ordures ? C'était tout bonnement absurde.

Parfois j'avais la sensation d'être plongée dans un perpétuel cauchemar depuis cette nuit fatidique et de ne pas être capable de me réveiller. Lorsque j'avais l'impression que tout allait mieux, mon monde s'effondrait à nouveau. Mais cette fois, c'était différent. Il y avait une espèce de non-retour qui soulageait mon âme. Je ne saurais comment l'expliquer.

Si un jour je m'étais sentie coupable de ce qui était arrivé – la victime, bien malgré elle, se sentait toujours fautive d'une manière ou d'une autre –, ce n'était désormais plus le cas. En sachant toutes ces choses, j'étais désormais certaine que le problème ne venait pas de moi.

Vingt-huit filles... je n'arrivais toujours pas à le croire. Et peut-être même... qu'il y en avait plus.

Et mon père...

Je fermai les yeux et de nouvelles larmes jaillirent pour rouler de manière synchronisée sur mes joues et retomber sur la couverture du matelas dans lequel j'étais couchée en position fœtale.

Cet homme n'était pas mon père, un véritable parent ne ferait jamais une chose aussi affreuse à sa fille. En connaissance de cause, jamais il ne pousserait cette dernière à sortir avec un prédateur sexuel. Il avait toujours su que je n'avais pas menti et pourtant, la première chose qu'il avait faite lorsque j'étais arrivée à la maison en pleurs, cela avait été de me gifler et de m'injurier.

L'air resta coincé en travers de ma gorge tandis que mon cœur se serrait tellement fort dans ma poitrine que j'avais la sensation qu'il allait cesser de battre d'un moment à l'autre.

Cet homme qui m'avait portée sur ses épaules lorsque j'étais une enfant, celui qui soufflait avec moi mes bougies d'anniversaire parce que mon souffle n'était pas assez puissant, celui qui m'avait consolée lorsque j'étais tombée en faisant du vélo pour la première fois... était l'homme qui m'avait trahie de la pire des façons. Celui en qui j'aurais dû avoir confiance m'avait gentiment entreposée entre les griffes d'un prédateur.

Mon père avait perdu toute mon estime ce jour-là, je l'avais détesté, haï, mais cela n'avait absolument rien à voir avec ce que je ressentais en cet instant. Il avait toujours su ce qui allait m'arriver et il m'avait souri, tout en me disant la chance que j'avais que Jackson Hayes ait jeté son dévolu sur moi.

Je me revoyais encore en train de me préparer dans ma chambre pour cette soirée cinéma que mon agresseur et moi devions passer ensemble. Liam avait passé la tête par l'embrassure de ma porte et m'avait dit à quel point j'étais jolie dans ma robe de saison. Il était entré, s'était assis sur le rebord de mon lit et m'avait souri, l'air fier de moi.