Chapitre 18 (Léna)

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Je crois que je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie ! Nous arrivons en français une minute avant la troisième sonnerie. A peine entrées, une femme d'une soixantaine ou soixante-dizaine d'années fonce vers nous. Je suis surprise qu'elle soit encore professeur à son âge.

La salle de français n'est pas un amphithéâtre. C'est une salle de classe normale. Il y a trois rangées de dix tables de deux. Tous les autres élèves sont adossés sur le mur de droite, debout. Je recentre mon attention sur la prof. Elle semble très, très énervée.

- Vous ! Vous osez être en retard ? De plus, Mademoiselle Léna, ce n'est que votre deuxième jour ! Bon, vous viendrez toutes les deux de dix-neuf à vingt-et-une heures en colle dans cette salle. Allez ! Mettez-vous en ligne contre le mur avec les autres.

Nous nous exécutons. Elle se met à placer les élèves comme lorsque j'étais en primaire. Finalement, Lucie est placée à côté de Tim, au premier rang de la troisième rangée, et elle me place près d'Apollon, au quatrième rang de la première rangée.

Je suis un peu nerveuse et ne peux m'empêcher de lui lancer des petits regards en coin. Mais qu'est-ce que je fais ? Reprends-toi Léna ! Tu vaux mieux que ça ! Je tente de me reconcentrer sur le cours.

- Bien. Vous serez en binôme avec votre voisin ou votre voisine pour ce devoir. Au boulot.

J'ouvre de grands les yeux, surprise. Bon sang, j'aurais dû écouter ! Je me tourne vers Apollon, un sourire innocent sur le visage. Il soupire, exaspéré.

- Tu aurais dû écouter au lieu de me regarder. Je sais que je suis doté d'une beauté fascinante mais, tout de même !

Je sens le sang me monter aux joues et tente de nier.

- Je... Non... Enfin... Je... Je ne vois pas de quoi tu parles !

Il lève les yeux au ciel, pas du tout convaincu.

- Bon. On va devoir faire un exposé sur "Orgueil et Préjugés" de Jane Austen. Vu que tu es une... non-native, j'imagine que tu ne l'as pas lu.

Je serre les dents. Non mais il se prend pour qui ? "Orgueil et Préjugés" est l'un de mes livres préférés. Je prends donc un ton faussement sympathique et déclare d'une voix limite cassante :

- Oh ! Tu parles de "Orgueil et Préjugés" de Jane Austen, femme de lettres anglaise, paru en 1813 ? Celui qui parle d'une famille de quatre filles ? Leur mère souhaite les marier, or, un jeune homme célibataire emménage dans la ville. Il tombe amoureux de la fille aînée qui tombe elle aussi amoureuse. Mais...

- C'est bon ! me coupe-t-il avec un air d'excuse. Désolé je n'aurais pas dû te juger sans te connaître. Je ne suis pas dans mes meilleurs jours en ce moment. Donc tu as lu le livre ? Ou vu le film ?

Lorsqu'il pose les questions, il semble suspicieux. Irritée et indignée, je réponds d'un ton sec :

- C'est mon livre préféré.

Puis je me tourne vers ma feuille et me mets à écrire en l'ignorant. Apollon ou pas, il commence sérieusement à m'énerver. Il soupire et fait de même. A la fin de l'heure, je range mes affaires et me lève pour partir lorsqu'il me saisit le poignet.

- Attends ! Je suis sincèrement désolé. Je me suis vraiment comporté comme un gars prétentieux. Mais, il faut absolument que l'on travaille ensemble et que l'on mette de côté nos différents.

J'hausse un sourcil interrogateur.

- Désolée mais de mon côté, il n'y a aucun différent. Tu es le seul de nous deux à avoir un problème.

Puis je lui offre un petit sourire avant de me libérer de son emprise et de rejoindre Lucie.

- Tu vas bien ? me demande-t-elle.

- Oui, je vais très bien. Extrêmement bien même. Mais, comme je suis une non-native, je n'ai aucune culture apparemment. Mais sinon, tout va super.

- Je te l'avais dis. Pour eux, nous ne sommes pas leurs égaux.

Nous échangeons un regard et un petit sourire attristé puis nous nous rendons en histoire.

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Le cours d'histoire est passé relativement vite. Le sujet n'était pas follement intéressant à la base, mais la prof l'a rendu presque passionnant. A la fin du cours, c'était limite si nous ne demandions pas des devoirs.

Lorsque nous sommes sortis, Apollon s'est dirigé vers nous à grands pas.

- Mince !

Je me tourne vers Lucie.

- Il faut que l'on marche très vite, sans courir, tout en aillant l'air naturel.

Voyant Robin arriver, elle hoche la tête et on s'exécute. Malheureusement, Robin nous rattrape.

- Bon, j'ai compris, je suis un garçon hautain et prétentieux. Je suis désolé. Sincèrement.

Je l'observe quelques secondes, suspicieuse, puis finis par soupirer et lui adresser un sourire.

- J'accepte tes excuses garçon hautain et prétentieux.

Il me rend mon sourire.

- Bon écoute, je te propose qu'on se retrouve lundi pendant deux heures pour faire l'exposé.

Je réfléchis quelques secondes puis acquiesce. Il nous salut puis s'en va.

- Tu sais, Robin n'est pas vraiment méchant. Je veux dire, il a des préjugés sur les non-natifs, bien sûr, mais il n'est pas aussi prétentieux, hautain et arrogant que tu sembles le croire. Avec Tim, ce sont les seuls à avoir été limite gentils et compatissants avec moi l'année dernière. me dit-elle pensive.

J'observe la direction qu'à pris Apollon avant de partir puis, dans un murmure pensif, je déclare :

- Peut être... Seul l'avenir me le dira...

Exceptionnellement, nous avions deux heures de trous. Nous nous rendons donc dans sa chambre où nous nous mettons à parler de tout et de rien.

- Alors comme ça, Tim est gentil et compatissant...

Le rouge monte immédiatement aux joues de Lucie, comme à chaque fois que l'on parle de son Timi. Je lâche un petit rire amusé.

- Moui...

D'humeur taquines, je souris et déclare.

- Mouais... Moi je trouve qu'il a l'air un peu... plouc, dans son genre.

- Ne dis pas n'importe quoi ! Il est beau, intelligent, gentil, drôle...

Soudain, elle s'arrête, se rendant compte du piège. Je suis affalée sur le lit morte de rire face à son visage qui est désormais plus rouge qu'une tomate.

Nous parlons encore plusieurs minutes dans la bonne humeur. Malgré tout, la discussion que j'ai eu en français avec Robin me reste quelque peu en travers de la gorge. Je ne sais pas pourquoi. Ce n'était pas si grave au final. Blonde n°1 et sa bande ont fait bien pire. Mais j'ai comme un goût amer dans la bouche et une sensation désagréable à la poitrine.

Serais-je... déçue ?


W.S.P. (World Secret Protection)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant