1. Chandra

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"Notre monde a changé". C'est ce que ma grand-mère avait l'habitude de me répéter lorsque je regardais son image favorite de la planète Terre...

« Attendez ! Attendez ! Pas si vite, tout d'abord, nous aurions besoin que vous répétiez votre prénom et votre année de naissance pour l'enregistrement.

— Ah oui, bien sûr ! Je m'appelle Ethan Dony et je suis né en deux mille cinq cent un après Jésus Christ, si l'on se réfère à votre référentiel. Chez moi, je suis né au trois cent vingt et unième Cycle après l'arrivée des premiers Hommes sur notre planète. Je reprends donc mon histoire, si vous le voulez bien... »

"Notre monde a changé". C'est ce que ma grand-mère avait l'habitude de me répéter lorsque je regardais son image favorite de la planète Terre coincée dans un cadre en verre accroché au mur de la cuisine. Depuis que j'avais l'âge de marcher et de penser, cette image me subjuguait. Je pouvais rester des heures à la contempler sans ciller des yeux, accroupi sur le carrelage froid en damier noir et blanc de la cuisine. Ces multiples couleurs vives, aux contrastes variés et marqués par des océans et des terres, créaient en moi une curiosité infinie ainsi qu'un profond sentiment d'apaisement. Était-ce sa couleur bleue qui provoquait cette sensation ? Peut-être... En tout cas, j'étais hypnotisé, observant les moindres détails de la planète sur laquelle des êtres humains comme nous avaient vécu et, qui d'ailleurs, pour une large partie d'entre eux, y habitaient encore.

Pour me détacher le regard de cette image hypnotisante, ma grand-mère me répétait toujours la même phrase :

"Crois-moi p'tit gars, cette planète est belle de loin, mais loin d'être belle !"

À vrai dire, je ne voyais pas vraiment où elle voulait en venir lorsqu'elle me disait cela et ça ne serait que bien plus tard que je comprendrai.

Lorsque je lui demandai si elle y avait été, elle me répondait généralement d'un grand geste de la main : "Oh non ! Qu'est-ce que j'irais faire là-bas !"

En vérité, seules les délicieuses crêpes de Gisette, la gouvernante de la maison, d'origine artificielle, pouvaient me faire quitter le regard de cette mystérieuse et captivante boule figée dans son éternel vide obscur.

Lors de nos repas de famille, ma mère, mon père, ma grande sœur et moi-même étions tous assis autour d'une table ronde en verre poli dans la salle à manger de ma grand-mère. À son cent trentième Cycle, elle avait gardé encore une forme exceptionnelle et selon la moyenne, il lui restait facilement dix à quinze Cycles à vivre.

Les conversations à table m'étaient souvent très indifférentes. Il faut dire que je ne comprenais pas souvent de quoi ils parlaient : politique, économie, santé, faits divers, rien de cela ne m'intéressait. Je préférais amplement rester dans mes pensées qui constituaient le monde encore puéril de mon jeune âge.

Ma sœur, Espérance, qui était un brin plus vieille que moi, n'était guère plus intéressée par leur conversation. Elle passait son temps à jouer à des jeux stupides sur sa tablette portative. Souvent, elle la cachait sous la table, car elle savait que notre mère ne supportait pas de nous voir manier des objets autres que ceux destinés à être utilisés à table.

Cependant, je me souviens d'un repas où nous écoutions attentivement notre mère nous raconter l'origine des jours fériés, ces jours qui nous permettaient d'éviter l'école... Nous nous demandions bien d'où ces moments de pause tiraient leurs origines, qui, je vous confirme proviennent de vos croyances et fiertés. Je crois me rappeler qu'il s'agissait souvent d'hommages à des jours de grandes victoires de batailles, de naissances ou mort de grands sages. Enfin, pour le coup, vous connaissez cela mieux que moi. En tout cas, je trouvais cela accommodant, car je n'avais pas besoin d'aller à l'école et je pouvais profiter pleinement de l'éternelle journée de notre monde.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant