28. Premières réponses

12 2 0
                                    

Maman n'avait pas eu un accident vraiment... Plusieurs personnes reportèrent un suicide. Elle se serait jetée d'un immeuble pour s'écraser sur le béton chaud de Luminaya. Pourquoi avait-elle fait ça ? Personne ne savait. Papa nous expliqua qu'elle était dépressive depuis quelques Cycles, mais de là à s'ôter la vie ? Comment avais-je pu passer à côté de ça ? Ma mère était en détresse pendant tout ce temps et je n'avais rien vu !

Une profonde colère m'envahit, car au fond de moi, je m'en voulais. Ma sœur, elle, était en sanglot alors que mon père resta stoïque comme si tout cela ne le touchait guère.

Nous n'avions pas le droit de la voir pour le moment. De toute manière, pas sûr d'avoir envie d'apercevoir ma mère en mille morceaux.

Je mis un certain temps avant de réaliser que je ne la reverrais plus jamais et c'était en préparant l'enterrement que j'eus cette funèbre révélation. Avec l'argent de mon père, nous organisâmes une belle cérémonie funéraire. Toute ma famille, y compris des personnes que je n'avais jamais vraiment connues, était présente à cet événement funeste.

Je restai aux côtés de ma sœur que je consolai du mieux que je pouvais, mais elle était inconsolable. Elle vivait ce moment bien plus mal que moi. Je voyais bien au fond d'elle que sa mort l'affectait particulièrement.

Durant les révolutions qui suivirent, notre père était distant. Il était difficile de savoir ce qu'il ressentait. Il ne semblait pas si triste que ça. D'un côté, ils n'arrêtaient pas de se disputer, peut-être que la mort de maman l'avait soulagé, qui sait ?

Au contraire, Espérance et moi nous rapprochâmes encore davantage. Nous effleurions tous les deux l'âge adulte et nous avions mis de côté nos querelles puériles. Mais ce ne fut qu'une question de temps avant que ma grande sœur ne tombât dans la dépression à son tour ; vint ensuite la drogue, cette morbide et fausse amitié qui saisit les plus faibles pour les envoûter et les enrouler dans son voile noir.

Un jour, je l'avais prise en train de siroter cette boisson terriblement venimeuse dont m'avait parlé une fois Yolvo. Au début, elle essaya de m'influencer pour que j'en boive avec elle, mais je refusais à plusieurs reprises. Ce genre de choses ne me tentaient guère.

De son côté, notre père nous avait totalement délaissés. Nous ne le voyions presque jamais rentrer à la maison. C'était comme si nous étions de l'histoire ancienne. Ce fut à partir de cet instant que je me sentis seul comme je ne l'avais jamais été. Danny et Yolvo essayaient tant bien que mal de me réconforter, mais il n'y avait rien à faire, mon âme et mon cœur étaient vidés et personne ne semblait pouvoir remédier à ce problème.

Presque un demi-Cycle s'écoula depuis sa mort et à vrai dire, je n'allais guère mieux. Les élèves de ma classe avaient appris la nouvelle dès lors que ce tragique événement était arrivé. À partir de ce moment-là, ils me regardèrent souvent avec pitié. Je n'aimais pas ce genre de regard alors je les fuyais comme un adulte échappe aux monstres de son enfance.

Ça tombait bien, aujourd'hui, c'était le dernier jour de classe avant l'apprentissage autonome. Tous allaient bientôt se lancer des adieux comme s'ils n'allaient plus jamais se revoir. C'était peut-être vrai, en somme certaines scolarisations libres devaient se faire dans des Districts différents.

Pour ce qui me concernait, je ne comptai ni changer de circonscription ni entamer mon apprentissage autonome. Après tout, je me sentais déjà assez indépendant comme ça.

Une profonde aigreur m'envahit à nouveau. S'en suivit une soudaine envie d'évasion, vous savez, le genre d'envie qui nous pousse à tout abandonner, à laisser notre passé derrière nous comme s'il pouvait être effaçable telle une encre de médiocre qualité.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant