35. Premiers pas dans le quatrième niveau

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Pendant les deux Cycles qui suivirent, j'appris le Natal, le dialecte des Abîmiens. Mon niveau de connaissance de ce langage était plutôt correct et je le devais à Extàaz qui m'avait appris les rudiments de ce dialecte soi-disant plus vieux que l'ensemble des langues parlées à la surface. C'était un mélange de plusieurs idiomes pratiqués sur la planète Terre, mais qui avaient évolué en un seul et même langage au fil des Cycles.

Je me sentais mieux dans ma vie — en dépit de mon passé qui continuait de me hanter — et ma relation avec Extàaz avait pris un tournant plus sérieux que je le pensais dans les débuts. Elle était ma petite lueur de bonheur dans ce monde obscure. Elle me réconfortait malgré elle, comme si elle était devenue au fil du temps mon repère et ma raison de vivre. Tout allait bien donc, jusqu'au jour où je la vis rentrer chez elle en pleurs. Je l'avais rejointe dans son logement comme par coutume. À vrai dire, je m'attendais à une fin de journée comme nous avions l'habitude de les passer : d'abord, nous mangions, refaisions le monde puis nous faisions l'amour plusieurs fois pendant des heures. Néanmoins, cette fois, il en fut autrement.

Voir Extàaz dans tous ses états me serra les tripes et j'espérais juste que rien de grave ne fût arrivé.

— Qu'y a t-il ? lui demandais-je alors en m'approchant d'elle, tout en la prenant dans mes bras. Je sentis son petit cœur chaud tambouriner délicatement ma poitrine.

– Mon frère a disparu...

Ce mot résonna dans ma tête plusieurs secondes, car nous savions l'un comme l'autre que dans Abîme, "disparu" signifiait la plupart du temps "mort".

— Comment peux-tu en être sûr ?

— D'habitude, je l'aperçois tous les jours à la maison, mais ça fait maintenant plusieurs fois qu'il n'y est pas et ce n'est pas normal, dit-elle sanglotant. Éthan, si je n'ai plus mon frère, je n'ai plus rien.

— Ne sois pas négative, on va le retrouver ne t'inquiète pas. Quand l'as-tu vu pour la dernière fois exactement ? Et qu'a-t-il dit ?

— Je l'ai vu il y a une moitié de révolution de ça au moins, il a reçu un appel de Méloth.

— Méloth ?

— Le chef du clan.

— Il faut que l'on aille voir ce Méloth alors...

— Non ! Tu ne peux pas le voir comme ça, s'écria-t-elle en essayant de canaliser les larmes qui coulaient à flot de ses yeux.

— Et pourquoi ça ?

— Tu n'es pas un Totokisalo, et moi non plus.

— Mais tu es sa sœur ! répondis-je, ahuri.

— Ils ne m'ont jamais considérée en tant que tel.

— Et pourquoi donc ?

— Car je n'ai jamais voulu faire partie de leur clan malfamé. Mon frère n'aurait jamais dû rejoindre ces barbares ! s'exclama-t-elle. Son chagrin semblait avoir fait place à la colère.

— Et son ami Delkrov, il ne peut pas nous aider ?

— Disparu aussi...

Je fis une moue dubitative.

— Ne connais-tu personne d'autre qui pourrait nous aider ?

— Peut-être Migosk.

— Qui c'est celui-là ?

— Un ami d'enfance de mon frère. Mais ils ne se parlent plus depuis un moment.

— Pourquoi ?

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant