39. L'habit ne fait pas le moine

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Je le suivis en ne le perdant pas du regard, toujours sur mes gardes, alors qu'il m'emmenait au marché lugubre. Là encore, nous slalomâmes entre les marchands et leurs clients, visiblement à la recherche d'une personne qui m'était encore inconnue.

Par terre, des flaques d'hydrocarbures parsemaient le sol. Elles provenaient des engins colossaux qui perforaient la roche à la recherche de matériaux rares que les hommes, avides, voyaient comme leur dernière chance de s'enrichir.

Une chaleur pesante avait enveloppé mon corps à l'aide de son voile invisible, vivre ici était une véritable épreuve et j'éprouvai beaucoup de compassion pour ceux qui vivaient là ! J'essayai toutefois d'en faire abstraction en me concentrant sur ma mission.

Au bout de quelques minutes de marche, nous arrivâmes au niveau d'un étal exposant une myriade de points lumineux qui luisaient comme des étoiles dans un ciel de nuit sans lune. Lorsque je m'approchai de plus près, je compris qu'il s'agissait en fait de micropuces luminescentes. Migosk s'y arrêta devant sans étonnement, il devait avoir l'habitude de passer par là.

— Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ? lui demandais-je dubitatif.

— Tu vas voir, répondit l'étrange homme au regard sombre.

Il attendit que le marchand, alors de dos, se retournât vers lui pour lui adresser la parole.

— Eto ! Mon vieil ami, je vois que tu as toujours en vie ! s'exclama le reptilien.

Un homme, imposant par sa corpulence, les joues rouges et boursouflées, cheveux dégarnis, les yeux bridés aux iris gris et les dents noires, se dégagea de la pénombre provoquée par une protubérance rocheuse qui lui servait de toit. À première vue, il ne semblait pas très commode.

— Migosk ! Je ne pensai pas te revoir ici depuis la dernière fois.

Mon nouveau compagnon me regarda d'un air gêné comme un enfant ayant fait une bêtise et s'étant fait prendre sur le fait.

— C'est du passé vieux pirate ! Je suis passé à autre chose. Dis-moi, as-tu toujours ces micropuces de traduction instantanée ? Demanda-t-il rapidement comme pour changer de sujet.

— Celle qui s'insère directement dans le cerveau ?

Mon regard, hagard, se tourna promptement vers Migosk, je n'étais pas sûr d'avoir bien entendu. Est-ce qu'il comptait m'implanter une de ces micropuces dans la tête ? Hors de question !

— Exactement, tu sais, celle qui se loge dans le lobe inférieur droit.

— Il m'en reste quelques-unes tu as de la chance, quel langage tu veux ?

— Attends ! Attends Migosk, tu ne comptes tout de même pas mettre cette chose-là dans le cerveau ?

— Tu m'as dit que tu voulais des solutions, je t'en trouve. C'est à prendre ou à laisser.

Il n'avait pas tort. Si je souhaitais sauver Extàaz, il fallait que je fasse des sacrifices, et implanter une puce d'un total inconnu dans un endroit littéralement répugnant en étant un.

— Il m'en faudrait une programmée pour le Voutang.

— Le Voutang ? Le dialecte des Tsikilu ? reprit l'imposant homme.

— C'est bien ça.

— Ne me dis pas que tu comptes rejoindre ces vermines ?

— Moi non, lui oui, dit Migosk en me montrant du doigt d'un air sarcastique. Je me sentis bête.

— Il ne m'en reste qu'une, tu as de la chance, jura le marchand tout en récupérant délicatement la puce sur son étal à l'aide d'une petite pince en métal.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant