8. Un monde sans saison

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À mon grand désarroi, les vacances venaient tout juste de se terminer. Finis les promenades en bateau le long des rives du lac de Luminaya auprès de ma famille, finis les multiples jeux dans la station touristique de Space Holidays.

« Attendez, Space Holidays ? Qu'est ce que c'est que ça ?

— Justement, j'y viens. »

Il s'agissait d'une gigantesque station de tourisme en orbite autour de Chandra. Cet énorme satellite artificiel avait été construit à une distance bien précise afin de rester éternellement immobile face à notre planète et donc d'être sous la lumière omniprésente de Tétra, notre soleil à nous.

Cela n'était évidemment pas la seule station orbitale vacancière à tourner autour de Chandra. Une autre station, Space Terra, avait la particularité de tourner autour de Chandra en vingt-quatre heures de manière à ce qu'il y ait seize heures de lumière et huit heures d'obscurité. Tout était conçu pour imiter les jours et nuits terrestres que certains adeptes aimaient toujours ressentir.

Mes parents détestaient cette station plus que tout, car ils ne supportaient guère la nuit comme la plupart des Chandréens. Ils préféraient de loin Space Holidays qui offrait un cycle artificiel de saisons à l'image de celles présentes sur la Terre il y a plusieurs siècles de ça, lorsqu'elles étaient encore marquées.

Ainsi, les vacanciers bénéficiaient de la saison qu'ils voulaient, en payant évidemment le prix. Ils pouvaient donc aller à la plage s'ils le souhaitaient, aller faire du ski, ou bien juste gambader dans les jolies forêts colorées d'automne. Vous imaginez bien que cela était très onéreux. Heureusement pour nous, mon père était l'un des actionnaires et créateurs de cette station, c'était d'ailleurs à cela qu'il devait son incroyable fortune. Non seulement il était riche, mais en plus il nous faisait bénéficier de toutes les saisons gratuitement. Quelle joie ! Je le reconnais, je trouvais ce phénomène de saison sympathique et agréable contrairement à Chandra qui est monotone : il fait jour durant toute la révolution, et aucun changement saisonnier notable ne se produit. La luminosité est quasiment identique tous les jours, sauf à l'approche des dernières révolutions qui marquent la fin d'un Cycle, ou bien lorsque géographiquement, nous nous trouvons près des pôles.

« Il n'y a donc pas de saison chez vous ?

— Pas vraiment, du moins elles ne sont pas aussi marquées que chez vous. Leur absence sur Chandra est due au fait que l'axe des pôles de notre planète ne possède aucune inclinaison. Ma mère m'avait d'ailleurs expliqué que le changement de saison était un phénomène typiquement terrien. Contrairement à Chandra, l'axe des pôles terrestres est légèrement incliné. C'est en partie grâce à cette inclinaison, combinée à sa rotation autour du Soleil, que se produit l'alternance des cycles saisonniers sur Terre, tant appréciée des Chandréens. Mais je ne vous apprends rien. En tout cas, c'est peut-être la seule chose que notre peuple vous envie. »

Revenons-en à ces vacances. Elles servaient essentiellement à marquer la fin de la vingt-sixième révolution de la planète, constituant alors un Cycle Chandréen. Comme je vous l'ai expliqué plus tôt, Un Cycle correspond approximativement aux nombres d'heures totales d'une année terrestre, soient huit mille sept cent soixante heures. Lorsqu'il se termine, tout le peuple fête cet évènement pendant deux révolutions soit l'équivalent de trente jours sur Terre. Je n'ose imaginer la peine qu'avaient dû ressentir les premiers Hommes en arrivant sur cette planète. Ça devait être drôlement perturbant de changer le référentiel de temps.

Pour nous, natifs de Chandra, tout est naturellement établi puisque nos ancêtres avaient eu un peu plus de trois cents Cycles pour s'y habituer. Par ailleurs, cette vingt-sixième révolution introduisait le trois cent vingt-neuvième Cycle depuis l'arrivée des premiers Hommes sur Chandra. Pour vous donner un repère, cela correspond à l'année deux mille quatre cent quatre-vingt-seize après la naissance de Jésus Christ.

Avant de reprendre l'école, ma mère me fit un laïus sur les bienfaits de l'éducation scolaire ; elle m'expliqua qu'il me restait encore cinq Cycles à faire en école publique avant de passer à la « scolarité autonome ». Cela consistait à rester chez soi et à écouter un professeur d'origine artificielle parler derrière un écran. Il n'y avait alors plus besoin de se déplacer chaque jour pour aller à l'école. À chaque révolution, il y avait néanmoins des épreuves auxquelles les élèves se devaient d'assister. Dans mon cas, l'idée de passer à une scolarité autonome me convenait, car je n'étais pas très friand de rencontres. J'étais quelqu'un de plutôt réservé et la recherche et la compréhension de notre monde me passionnaient beaucoup plus que les papotages et les gamineries de certains de mes camarades.

J'étais généralement quelqu'un d'assez calme en classe, le genre d'élève qui ne faisait pas de bruit et qui restait dans son coin, discret. J'avais pour habitude d'écouter attentivement la maîtresse. Mais ce début de Cycle allait se profiler autrement...


La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant