La vie aux mille visages (Tome 1)

9. Une rentrée pas comme les autres

Le jour de la rentrée arriva, j'étais en retard à cause de ma mère qui s'était disputée avec mon père et qui avait oublié de me préparer mon petit déjeuner.

Tétra me faisait toujours autant profiter de ces rayons chaleureux et généreux. Le ciel était d'un bleu touchant presque au vert. C'était la période qui voulait ça, lorsque le plan écliptique de notre planète se rapprochait davantage de notre étoile, les couleurs de notre ciel changeaient de couleur pour devenir vert très clair.

Lorsque j'arrivai à l'école, tous les élèves étaient déjà bien alignés en face de notre institutrice comme des soldats au garde à vous. Elle n'était pas bien jeune et elle était d'une ringardise affolante. Pour tout vous dire, elle avait la tête allongée comme une lame de couteau et s'habillait avec de vieux vêtements datant des premiers hommes, même un épouvantail était mieux vêtu qu'elle.

Par habitude, je me plaçai en bout de file pour ne pas me faire remarquer. Certains élèves commençaient déjà à se tenir la main, c'était l'habitude qu'ils avaient pris ces deux derniers Cycles, qu'ils se connussent ou pas. Personnellement, ce genre de situation me mettait mal à l'aise. Du coup, je me débrouillais toujours pour arriver le dernier afin de me retrouver à la fin du rang. Comme les classes comportaient toujours un nombre impair d'élèves (ne me demandez pas pourquoi), je me retrouvais toujours sans partenaire et ça me convenait très bien.

Néanmoins, comme je vous le disais, ce Cycle s'annonçait différemment. Lorsque j'arrivai dans la cour où ma classe était déjà bien rangée, je remarquai une élève seule en bout de file. Je sentis les battements de mon cœur s'accélérer soudainement comme lorsque je me faisais surprendre par ma mère en train de désobéir. Je ne pouvais pas faire demi-tour, même si je le désirais ardemment et puis ça n'avait aucun sens. Visiblement, je devais affronter ma timidité, j'étais désemparé.

J'arrivai alors à côté d'elle comme si de rien n'était, je ne pris même pas la peine de la regarder. Le fait que ça soit une fille renforçait considérablement ma timidité. Je ne savais pas pourquoi, mais dans ma tête, je commençais alors à m'adresser à une Force Supérieure en lui demandant : « Je voulais être seul, pourquoi me fais-tu ça ? ». Mais c'était ridicule, pourquoi cette Force supérieure aurait-elle pitié de moi ? Quand bien même elle existait, des choses plus graves arrivaient dans le monde, et aussi futile que pût être mon problème, je ne pense pas qu'il en aurait fait sa priorité.

Cette fillette, qui devait avoir mon âge, tourna soudainement la tête dans ma direction et me fit un grand sourire. Je l'aperçus seulement du coin de l'œil et je ne pris même pas la peine de lui rendre son gracieux regard. Je pus toutefois remarquer que son grand sourire remontait jusqu'au milieu de ses joues, mais je restai austère, le regard figé sur le dos de l'élève devant moi. Je me comportais comme si je n'avais personne à mes côtés.

Avant de donner l'ordre d'avancer, la maîtresse fit le tour des rangées pour nous compter un par un. Lorsqu'elle arriva à notre niveau, elle nous fixa tous les deux du regard et s'exclama : « Et bien alors, ça ne va pas vous tuer de vous donner la pince ! »

J'eus une envie folle de lui répondre : « Et en quoi cela te regarde pauvre ringarde ! » C'est vrai, pourquoi accepterais-je ce puéril fantasme de ma maîtresse ? C'est en vain que je dus contenir ma véhémentef répartie.

Elle saisit donc nos mains respectives et les fit s'entrelacer. Cette femme avait sans aucun doute un sérieux problème sentimental.

J'essayai de résister légèrement comme pour lui faire comprendre que ça m'embêtait, mais plus je résistais, plus j'avais l'air ridicule. La main de la petite fille était froide, mais sa peau était douce, la mienne, moite. Dans les deux cas, ça devait être aussi désagréable pour elle que pour moi.