41. La boucherie

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Je vis d'abord son ombre qui s'élançait sur le sol sablonneux de la pièce. Elle se prolongeait jusqu'à moi comme si elle cherchait à m'atteindre.

— Et bien alors ? Tu n'auras pas pris beaucoup de temps ! S'exclama t'il.

— Je suis arrivé, elle était déjà morte.

Le jeune Tsikilu me regarda, méfiant.

— Porte son corps, on va l'apporter en boucherie pour que tu aies le plaisir de la découper avant de la cuisiner.

Mon estomac se retourna.

— Non merci, ça n'a jamais été mon truc.

— Tout Tsikilu qui se respecte ne refuse jamais une telle proposition, rétorqua Orig.

— Et bien moi si, je refuse, lui dis-je d'un regard effronté. Bien que j'eusse peur, je ne comptai pas me laisser faire.

— Tu n'as pas le choix, c'est un ordre.

— Qui es-tu pour me donner des ordres ? Lui répondis-je avec insolence tout en essayant de bluffer ma propre terreur. Je ressentis une pression montée en moi, alimentée par une aversion extrême du personnage qui se trouvait en face de moi. Le genre de ressentiments qui vient emprisonner votre cœur dans une spirale de violentes pensées. Ce à quoi j'avais assisté m'avait bouleversé, je sentais que je n'étais plus le "Éthan" calme et raisonnable que j'avais pu être.

Je serrai à présent le surin d'une puissante poigne, j'étais à deux doigts de le lui planter en pleine gorge.

— Je suis Orig Takkou, fils du grand forgeron Belit Takkou, comment oses-tu me demander qui je suis ? Continua Orig.

— Tu as beau être le fils d'un forgeron, tu ne restes qu'un homme, Orig Takkou !

— Ça suffit ! Amène cette fille à la boucherie, je ne te le demanderai pas une deuxième fois, bafouilla-t-il avec insistance. Il ne montrait aucune peur vis-à-vis de moi.

J'avais envie de mettre fin à ses jours, c'était comme si un esprit malin avait pris possession de mon corps. Je m'avançai alors vers lui d'un pas ferme. Une fois en face je le dévisageai d'un regard rempli de haine, mes lèvres étaient crispées, mon corps tremblait.

Je le défiai du regard afin de lui montrer qu'il ne m'impressionnait guère. En temps normal, je n'aurais jamais osé tenir tête à ce genre d'individu, j'aurais même utilisé la diplomatie, mais ce qu'ils avaient fait à cette fille m'avait chamboulé et mes émotions étaient véritablement en pagaille.

Alors que j'étais prêt à lui planter le couteau dans la gorge, je me rappelai soudain les raisons qui m'avaient poussé à venir ici-bas comme si quelqu'un me les avait chuchotées à l'oreille. Extàaz, il fallait que je sauve Extàaz !

Je lui tournai le dos pour me diriger vers la jeune fille qui gisait à terre, morte. Son corps était encore tiède. Elle n'était pas très lourde, son âme devait déjà être partie...

J'essayai de contenir les larmes qui souhaitaient s'évader de mes yeux, j'éprouvai beaucoup de chagrin à la vue de cette créature inerte, au sol, qui s'était faite souiller par une bande de sauvages des profondeurs.

Je suivis alors Orig en direction de la boucherie avec beaucoup d'appréhension, le corps mutilé de la jeune fille dans mes bras recouverts d'un liquide pourpre qui n'était pas le mien. Je restai attentif aux chemins que j'empruntai et aux indications sur les murs qui signalaient le nom des couloirs. Il s'agissait d'une combinaison de chiffres et de lettres. Je n'avais vraiment aucune idée de ce que cela pouvait signifier, mais j'essayai de les retenir du mieux que je pouvais, en vain.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant