2. Noxe

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Cette partie est appelée Noxe et elle est inhabitée, du moins par notre espèce.

« Parce que d'autres espèces intelligentes y vivent ?

— Nous y viendrons, messieurs, nous y viendrons en temps voulu. »

Peu d'hommes avaient osé s'aventurer dans ces terres obscures, objets de nombreuses légendes et mythes tout aussi effrayants les uns que les autres.

Pour autant, quelques explorateurs et scientifiques avaient eu l'audace de parcourir ces recoins perdus et abandonnés, mais aucun d'entre eux n'était allé très loin. Les températures extrêmes ne leur permettaient pas de rester plus de trois révolutions, même équipés des meilleurs véhicules. La raison était que l'ensemble de nos technologies étaient basées sur l'énergie stellaire. En effet, contrairement à la Terre, Chandra ne possédait que très peu d'énergies fossiles. En outre, elles avaient été toutes vidées dès l'arrivée des premiers êtres humains afin de créer la vaste cité dans laquelle nous vivions.

Cependant, il y avait eu tout de même un homme, le seul qui avait réussi à atteindre le centre de Noxe. Il y était parvenu en longeant la ligne équatoriale grâce à son véhicule à propulsion thermique capable d'emmagasiner de l'énergie stellaire à forte pression. Ce véhicule lui avait permis de rouler en complète autonomie pendant plusieurs révolutions. Cet homme, c'était Allan Karter, un des plus grands aventuriers de l'histoire de notre civilisation.

Certains n'avaient pas eu cette chance et en étaient morts. D'autres étaient revenus avec des gelures telles qu'ils avaient dû être amputés des jambes et des bras. Autrement, d'autres aventuriers n'étaient tout simplement jamais revenus et les autorités publiques les avaient donc déclarés disparus.

Il faisait beaucoup plus froid sur Noxe que sur la face éclairée, ce qui paraissait logique puisque les rayons de Tétra ne parvenaient jamais à toucher le dos de la planète. Par conséquent, au lieu d'avoir des températures douces comme votre printemps d'il y a quelques siècles, celles-ci chutaient jusqu'à soixante-cinq degrés au dessous de zéro.

Non seulement il faisait nuit, mais en plus il faisait froid. Pas étonnant qu'aucun être humain ne désirait s'aventurer dans cet obscur côté.

Une vaste couche de neige éternelle en recouvrait la surface. La végétation y était quasiment inexistante. Seules de vastes forêts de sapins à l'équateur et au centre constituaient le maigre tapi de verdure. Il y avait aussi un volcan de glace que l'on avait nommé Ullr, plus haut que la plus imposante de vos montagnes, tellement grand que l'on pouvait en voir son sommet depuis le ciel. Mais il était éteint bien avant la naissance de votre Terre.

Comme si le froid ne suffisait pas à faire reculer les plus téméraires des Chandréens, des légendes racontaient qu'une terrible créature vivait tapie dans l'ombre, dans les plaines dénudées et accidentées de Noxe. On l'appelait le Noxum.

Je me rappelle que lorsque je n'obéissais pas à mes parents, ils ne manquaient pas de me rappeler que le Noxum allait venir m'enlever pendant la sieste pour me manger tout cru. Je dois admettre aujourd'hui que ces menaces fonctionnaient plutôt bien. Mais enfin, cela ne doit pas vraiment vous intéresser...

Cette partie de la planète était vue comme malfamée, car elle suscitait beaucoup de crainte. Dans certaines communautés, il était même tabou d'en parler.

De nombreux réalisateurs de film jouaient de cette peur dans leurs œuvres cinématographiques qui se retrouvaient souvent au box-office. D'une certaine manière, cela leur permettait d'amortir les dépenses et de rembourser la somme astronomique des effets spéciaux qu'ils avaient mis en place pour créer cet « effet nuit » ; chose que la plupart des Chandréens n'avaient jamais vue dans la réalité.

La nuit pour eux représentait un tout autre monde, souvent synonyme d'épouvante. Certains d'entre eux étaient même touchés de Noxophobie, cette peur indescriptible et innée de la nuit de Noxe.

Finalement, ce ne fut qu'à mon sixième Cycle que les menaces de mes parents ne fonctionnèrent plus vraiment. Au contraire, je commençai à cultiver une certaine curiosité pour cette sombre partie de ma planète natale. La nuit, contrairement à beaucoup d'autres Chandréens, ne me faisait plus vraiment peur.

Les Chandréens ne connaissent que la lumière et n'ont jamais vu ce qu'est la nuit et ses myriades d'étoiles qui l'accompagnent dans le ciel et qui scintillent comme des pépites d'or. Pourtant certains récits, plus ésotériques, en faisaient l'éloge. Allan Karter, dans son œuvre « Noxe, l'inconnue », décrivait d'ailleurs ce tapis d'étoiles dans le ciel comme étant le plus beau spectacle qu'il avait jamais vu de sa vie.

Je dois admettre que Noxe, au même titre que la planète Terre, ne cessait de me subjuguer.

Comme si le froid et la nuit ne suffisaient pas, d'énormes tempêtes venaient compléter cet enfer glacial. Voilà qui me donnait envie de connaître plus en détail cette partie de la planète. Toutefois, je compris vite que la seule manière d'en connaître les détails authentiques était d'y aller moi-même.

« Mais je vais maintenant clôturer, si vous le voulez bien, cette partie sur Noxe pour vous raconter ce que je sais sur l'autre portion de notre planète, celle où environ trois cents millions de Chandréens vivent...

— Très bien, si vous nous promettez de revenir sur ce monde de la nuit par la suite.

— Vous avez ma parole. »

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant