30. Lorsque les choses nous dépassent

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Je me réveille en recevant un seau d'eau froide en pleine face. Quelque part, il fait tellement chaud que ça me fait du bien.

« Assez dormi !

— Puis-je manger quelque chose ? Je meurs de faim.

— Eléa, va lui chercher une pomme. Reprenons, où en étions-nous ? »

Je venais de perdre ma mère. Une révolution passa suite à mon entrevue avec Albert. J'étais toujours déterminé à retrouver Mariamne, mais ce vieux chnoque m'avait laissé que peu d'indices. Que voulait-il dire lorsqu'il parlait de profondeur ? Après maintes réflexions, je me figurai qu'il s'agissait certainement d'Abîme. Albert avait peut-être voulu dire que je ne la trouverais pas à la surface de la planète, mais dans ce trou béant et obscur. Quelque chose me poussait vraiment à retourner dans cet endroit, à finir ce que j'avais entrepris il y a près de cinq Cycles de ça. Mon Dieu, déjà cinq Cycles s'étaient écoulés depuis ? songeais-je. Je réalisais que plus je vieillissais, plus le temps défilait rapidement.

Alors que je revenais d'un après-midi passé avec mon ami Danny, je vis que la maison était vide, sans âme. Mon père était absent comme d'habitude. Quant à Espérance, je me rendis compte que cela faisait un moment que je ne l'avais pas vue. J'essayai donc de la contacter, mais elle ne répondit pas. Sa puce communicative — gadget que tout Chandréen a sous sa peau dès son adolescence — n'émettait aucun signal. Je commençai alors à m'inquiéter, car je réalisai que ça faisait presque une révolution que je ne l'eusse pas croisé. Je me figurai qu'elle devait certainement se trouver avec son nouveau petit ami, un étrange énergumène qui ne m'inspirait pas confiance.

Je décidai donc de me mettre à sa recherche afin de m'assurer qu'elle se portait bien. Par pure coïncidence, Danny, qui m'accompagnait dans ma quête m'expliqua que le petit ami d'Espérance se trouvait être le voisin de Yolvo.

Sans plus attendre, je me dirigeai alors vers l'appartement des parents de Yolvo, suivis de mon fidèle ami d'enfance. Nous y allâmes en transport en commun, car sa résidence se situait dans la périphérie ouest de notre District.

À cette période de l'année, notre planète était à son périhélie avec Tétra. Alors, durant trois révolutions, les températures augmentèrent significativement. La chaleur était insupportable. Dans la rue, les gens dégageaient des torrents de sueur et ce n'était qu'une fois dans nos conserves volantes que l'on se sentait rafraichi par la climatisation. Parfois, quelques nuages blancs épars cachaient notre astre insolent, envahissant ainsi Luminaya en un vaste tapi d'ombre qui avait pour effet d'adoucir momentanément la chaleur.

Nous arrivâmes devant l'immeuble de Yolvo. Il s'agissait d'un grand bâtiment blanc comme la neige qui mesurait facilement cent mètres de haut. Il faisait néanmoins pâle figure comparé aux édifices environnants qui grattaient fièrement les nuages en leurs sommets.

Nous y entrâmes. Il faisait froid et la différence de température avec l'extérieur me donna des frissons et presque un choc thermique. Au rez-de-chaussée, le sol était en damier noir et blanc, les murs étaient tapissés de miroirs géants et donnaient l'impression d'être dans une galerie de glace. Il y avait une odeur de rose chimique qui était très désagréable. Je me bouchai le nez.

J'appelai alors Yolvo qui descendit nous ouvrir. Je lui expliquai que je souhaitais voir ma sœur et je lui demandai par conséquent où se trouvait l'appartement de son petit ami. Il m'y emmena d'un pas lourd comme s'il était fatigué une nuit blanche. Il me raconta par la suite qu'il avait passé la nuit entière avec une fille. Je l'enviai un peu.

— Ta sœur sort avec ce drogué de Matt ? Me demanda-t-il.

— Visiblement oui, lui répondis-je sèchement, nerveux à l'idée de voir Espérance dans un piteux état.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant