43. Entre quatre murs

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Je me réveillai subitement. Une profonde déception me submergea lorsque je compris que je sortais tout juste d'un songe. J'étais allongé par terre sur un sol granuleux, coincé entre quatre murs dans une cellule obscure comme la nuit, aux aspects lugubres, les membres enchaînés à un épais mur de pierres cramoisi. Une large porte faite de barreaux en métal constituait l'unique source de lumière de ce sombre endroit. J'avais froid. Ma tête était lourde et douloureuse. Je la touchai, elle saignait, mais le sang avait coagulé.

J'étais visiblement seul dans cette cellule qui suintait le renfermé. Ma bouche était sèche, j'avais terriblement soif. Je me levai avec le peu de force qu'il me restait, mais me retrouvai vite bloqué par des chaînes qui m'immobilisaient comme si le mur me tenait en laisse.

Qu'allait-il m'arriver maintenant ? Allaient-ils me dévorer ? Cette pensée angoissante me glaça le sang. Je refusai de terminer dans l'assiette de l'un de ces malfrats. Il fallait que je m'évade de là.

Soudain, de lourds pas se firent entendre non loin, au bout du couloir. Leur rythme était soutenu. J'aperçus après une silhouette imposante tenant une lampe qui éclairait à peine les lieux ; je reconnus alors les tatouages de celui qui m'avait accueilli autour de sa table tout à l'heure ; le grand Letkoù venait de faire son apparition devant la porte du cachot.

Il me regarda un court instant puis un petit rictus se forma sur ses lèvres, dénotant un certain sadisme. Il posa la lampe par terre puis plaça les mains dans son dos tout en me scrutant avec désinvolture derrière les barreaux comme si j'étais un animal sauvage en cage dans un zoo.

Moi, je le fixai sans rien dire et j'avais peur.

Il ouvrit ensuite la porte qui grinça sous l'effet de la rouille. Ce bruit désagréable vint résonner dans mes tympans.

Il s'approcha de moi sereinement, comme si c'était pour lui habituel de voir quelqu'un enchaîné à un mur. Il s'arrêta devant moi avec sa carrure imposante ; je lui faisais face, debout, mais je dus tout de même lever la tête pour le regarder dans les yeux.

— Qui es-tu ? Et que fais-tu dans nos galeries ? Me demanda-t-il alors d'une voix rauque.

— Comme je vous l'ai déjà dit, je suis Tilokalo, membre de la famille des Torilu.

Ma puce avait l'air à nouveau de fonctionner. Le coup que je m'étais pris sur la tête avait dû la remettre en état de marche, songeais-je.

— Un de mes confrères me rapporte que tu parles une langue inconnue.

— Je connais une autre langue, en effet.

— Quelle est-elle ?

— Le Chandréen.

— La langue de la surface ?

— Oui

— Comment connais-tu cette langue ? demanda Letkoù avec intérêt.

— Un vieillard me l'a appris.

Il me regarda d'un air aussi dubitatif que suspicieux.

— Si tu es vraiment un Tsikilu, dis-moi quel est notre grand chef.

— Volviranouk.

(Migosk m'avait briefé).

— Qui est son neveu ?

Migosk me l'avait précisé aussi, mais un bref trou de mémoire me trouva. Stupeur. « Comment s'appelait-il déjà » ? songeais-je. « Ah oui, Triottano » .

Deux bonnes réponses. Il me regarda le temps de quelques secondes. Il était toujours aussi méfiant à mon égard. Puis, il se retourna brusquement et sortit de la cellule en veillant bien à fermer la porte derrière lui.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant