10. Maman et Papa

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Si madame, messieurs le permettent, j'aimerais m'attarder quelque peu sur mes parents. C'était quelque chose !

Maman et papa se disputaient souvent. Ils nous disaient régulièrement d'aller dans nos chambres, Espérance et moi. Maman et papa, je ne les comprenais pas. Comment deux personnes pouvaient-elles rester ensemble avec tant d'animosité dans leur relation ? Quel en était l'intérêt ? Bien que j'eusse été vraiment triste de les voir séparés, cela aurait certainement soulagé notre famille entière.

Mon père était riche ; certes. Sa fortune, il la devait à son esprit vif et compétitif qui lui permit de bâtir « Space Holidays ». Il semblait invincible, mais ces derniers temps, maman lui répétait qu'il n'était qu'un « salaud ». Je l'avais même vu lui donner une gifle.

La vie d'adulte me semblait si incompréhensible et compliquée. Moi, je me contentais de mes jouets, de mon monde et de ma curiosité. Espérance, quant à elle, restait la plupart du temps dans sa chambre. Cela ne paraissait l'affecter en rien. Quelque part, elle m'impressionnait.

Quand ils se disputaient, je me demandais à moi-même : « Maman, papa, s'il vous plaît, aimez-vous comme avant. Pourquoi vous ne vous regardez plus de la même manière ? Pourquoi à table c'est toujours la guerre ? Maman, pourquoi surveilles-tu autant mon père ? Qu'est-ce qui se passe... ? Expliquez-moi. »

La vie d'adulte semblait si dure, si incertaine. La mienne, contrairement à eux, paraissait beaucoup plus joviale, sobre ; pourtant, d'une certaine manière, je ressentais leurs tensions tous les jours, leurs disputes me consternaient.

Alors, je repensais à ce que j'avais appris de l'Univers. Apparemment, quand l'on contemplait un ciel étoilé, il se montrait simple et uniforme. Toutefois, derrière ce rideau bleuâtre, c'était un mécanisme complexe qui nous régissait et nous entourait. La relation qu'entretenaient mes parents était similaire ; à regarder, ça paraissait facile, mais à comprendre, c'était tout autre chose. Dans tous les cas, chaque jour leurs disputes, aussi futiles fussent-elles, me rendaient triste.

Pendant ces moments-là, je m'enfermais généralement dans la salle des connaissances, l'endroit où certaines fenêtres m'étaient encore ouvertes. Un lieu où je me sentais seul, au calme, en sécurité, serein, moi-même... Souvent, ce signe venait toujours me heurter l'esprit ainsi que ce joli visage d'ange flouté qui semblait être gravé dans mes pensées les plus profondes.

Mais ce que je préférais plus que tout, c'était regarder la Terre. Contrairement à mes parents, son allure était somptueuse et m'inspirait de la joie. Elle était si belle, cette boule, si colorée, si grande même qu'on pouvait apparemment l'apercevoir dans un ciel de nuit étoilé. Rien que pour ça, je rêvais d'aller dans Noxe !

Lorsque je regardais des photos de Chandra et que je les comparais avec celles de la Terre, je ne comprenais pas ce que nous faisions ici. Notre planète était si fade, si monotone, si ennuyante, comme mes parents. La planète bleue au contraire semblait si prenante, fragile et captivante.

Je me souvenais des laïus de ma grand-mère et de ses derniers mots terminant par « La Terre est belle de loin, mais loin d'être belle. » Je pensais comprendre pourquoi elle disait ça, mais je ne voulais pas pour autant la croire. Après tout, nous venons tous de cette boule bleutée.

« Et bien, vous partez déjà ?

— Nous allons chercher de l'eau. Nous revenons d'ici une demi-heure. Profitez-en pour vous reposer, vous n'en aurez pas souvent l'occasion. »

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant