49. Que la lumière soit

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Un cycle entier passa lorsque je commençai à me sentir mieux. L'entrevue avec Albert m'avait à la fois procuré du réconfort et de la perplexité. Je n'avais néanmoins pas trouvé le courage d'aller plus loin dans mes recherches de réponses.

Aucune nouvelle relation amoureuse ne s'était présentée à moi depuis la mort d'Extàaz bien que j'eusse eu quelques liaisons éphémères sans importance et qui ne méritent même pas que je les mentionne.

J'avais maintenant vingt et un Cycles et si l'on m'avait demandé, plus jeune, où je me voyais à cet âge, je n'aurais jamais deviné me retrouver ici.

Pendant ce dernier Cycle, je fis un point sur ma vie et je restai la plupart du temps enfermé dans la pièce que je louais à Kimo en essayant d'oublier tout ce que j'avais fait de vil. Je repensais beaucoup à ma sœur, ma mère, mon père, Extàaz évidemment, mais aussi Mariamne. J'avais arrêté de la chercher lorsque je compris que c'était elle qui viendrait à moi en temps voulu comme ce fameux moment où je combattis le grand Tarùn et qu'elle était apparue de nulle part. Je me rendis compte que sans elle, je serai certainement mort à l'heure qu'il est. Était-ce possible que ça soit mon ange gardien ? songeais-je.

De cette réflexion, je réalisais à quel point la vie ne tenait pas à grand-chose et que rien n'était immuable. En un claquement de doigts, tout pouvait apparaître comme disparaître, prendre un autre tournant, basculer du jour au lendemain en un rien de temps. Parfois même, la vie semblait dénuée de sens, bien qu'après réflexion et un peu de recul, il paraissait véridique que les explications et les raisons de notre destinée se dévoilaient petit à petit ; était-ce une manière pour nous d'accepter tout simplement notre destin ? songeais-je. J'avais, à ce moment, tendance à le croire. Je pensais que nous avions tous une destinée. Malgré une impression de libre arbitre, nous étions soumis à des évènements extérieurs, bons ou mauvais, qui nous arrivaient selon le karma de nos vies précédentes. Alors certes, nous avions la sensation de détenir le pouvoir de choisir, mais finalement, nous étions conditionnés — d'une manière ou d'une autre — pour suivre le chemin que nous imposait une Force supérieure ; probablement celle qui avait créé notre univers.

En fin de compte, après multiples réflexions, je parvins à trouver un brin de sens à ma vie qui en semblait dénuée. Bien que je me fusse puni moi-même, il y a trois Cycles en me terrant dans ce trou noir glauque et béant qu'est Abîme, j'avais trouvé du réconfort grâce aux personnes que j'avais rencontrées. Bien que j'eusse affronté la haine et la colère, j'avais aussi connu l'amour et l'espérance. Les gens là-haut se faisaient une mauvaise idée d'Abîme, cet endroit malfamé où régnait soi-disant la violence ; moi je trouvai certains aspects de cette ville moins affreux que ceux rencontrés à la surface et cela surtout au travers de la population. Certes, il y avait des gangs et des clans à ne pas fréquenter, toutefois j'avais rencontré des personnes bien plus généreuses que mon père riche à ne plus compter.

Je compris aussi que le monde ne pouvait pas se résumer qu'en ses simples opposés. Quand bien même il n'y avait pas de chaleur sans froid, de lumière sans ténèbres, de haine sans amour, de bien sans mal, il y avait toujours cette petite part de lueur d'espoir. Cette même lueur qui donnait des ailes dans les moments les plus sombres, mais aussi cette éclipse qui provoquait un court instant d'obscurité dans un ciel ensoleillé.

Un évènement vint bouleverser le petit monde que je m'étais bâti ici bas, pour le meilleur ou pour le pire, je ne sus le dire à ce moment précis de ma vie. Ce que je sais, c'est qu'il constituait cette fameuse bribe de lueur éclairant cet obscur océan.

Ce qui allait se dérouler était totalement absurde, tellement incroyable que je ne pouvais pas le considérer comme une simple coïncidence, mais plutôt comme un signe, un signe de rédemption, peut-être... Mais un signe qui me procura une sensation de réconfort et d'espoir en tout cas.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant