36. Migosk le Reptilien

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La peau de cette étrange homme était écaillée, comme morcelée. Ses yeux, blancs comme la neige, ne possédaient ni pupille ni iris lui procurant alors un regard vide d'expression.

« Comment ça ses yeux ne possédaient ni pupille ni iris ? »

En vérité, il en avait, mais on ne les voyait pas. Ses pupilles étaient tout simplement d'un gris très pâle et se diluaient avec le blanc de ses iris à cause du manque de lumière. Ses cheveux noirs, devenus rares, étaient longs, gras et fins comme des fils de soie, laissant entrevoir la surface lunaire de son crâne écaillé. Finalement, je me demandai s'il était vraiment humain.

Ce ne fut que par la suite que j'appris ce qui avait provoqué cela. Il s'agissait d'une puissante drogue, le Goszka, produite ici même dans le Gouffre et que beaucoup de gens inhalaient pour compenser le manque de lumière. En revanche, elle avait pour effet secondaire de transformer la peau en écaille. Les écailles étaient de l'épiderme en état de décomposition qui, avec une consommation poussée et régulière, finissait par tomber jusqu'à faire apparaître les os.

À ce niveau de profondeur, presque toute la population consommait ce type de produit, car aucun d'entre eux n'avait les moyens de s'offrir des séances de luminothérapie. Par conséquent, les Abîmiens des étages supérieurs les surnommaient les « Reptiliens » en raison de leur peau rappelant celle d'un reptile.

Migosk nous dévisagea d'un air suspicieux.

— Qui êtes-vous ?

— C'est moi, Extàaz, la sœur de Yoktoz.

La porte se referma subitement devant nous. Nous nous regardâmes d'un air interloqué. Il venait de nous claquer la porte au nez. Extàaz frappa une nouvelle fois. Au fond, elle connaissait les raisons de sa réaction antipathique.

— Migosk, ouvre-moi, il faut que je te parle de mon frère.

— Je ne veux rien entendre sur ton frère, répondit-il. On l'entendait distinctement malgré l'épaisseur de la porte qui nous séparait.

— J'ai juste besoin de te parler quelques minutes, s'il te plaît, ouvre !

— Qui est le gars à côté de toi ? Il n'a pas une tête d'Abîmien.

— C'est mon petit ami, tu n'as pas à avoir peur de lui.

Après quelques secondes, la porte s'entrouvrit, un visage apparut timidement dans la pénombre de la pièce, craintive comme un animal battu, il nous dévisagea avec ses yeux qui n'exprimaient rien d'autre que le néant.

— Vous êtes seuls ?

— Oui, répondit Extàaz.

Il finit par nous faire entrer chez lui. Il n'y avait une pièce unique, elle était plongée dans l'obscurité, froide et poussiéreuse. Il était compliqué d'y voir clair là-dedans ! Seules quelques loupiottes orangées éclairaient les murs mornes de son salon en bazar. Finalement, c'était plus une tanière qu'autre chose.

Il y avait une odeur humide et de renfermé dont le manque d'air renouvelé était la principale raison. Comment pouvait-il faire pour vivre dans ce trou à rat ?

— Je ne t'aurais pas reconnu... Lorsque je t'ai vu pour la dernière fois, tu avais à peine dix Cycles, s'exclama-t-il en se laissant tomber lourdement sur un siège en cuir marron aussi décrépi que lui.

— J'ai grandi depuis, répondit Extàaz en lui souriant.

— Oui, tu as changé. Pour être honnête, je ne pensais pas te revoir un jour petite.

— Je t'ai cherché Migosk et je n'ai jamais cessé de le faire...

Il gloussa, moi je me contentai d'écouter cet échange d'une oreille attentive.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant