42. Douceur onirique

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Je me retrouvai maintenant dans un lit aux draps blancs, doux et soyeux. Lorsque j'ouvris les yeux, il faisait jour. Une femme était à mes côtés, encore dans les bras de Morphée, son visage tourné vers moi. Je reconnaissais cette même fille à la beauté angélique ; je n'avais jamais été aussi proche d'elle qu'à cet instant. Elle était tellement belle qu'elle faisait chavirer mon cœur. À travers son visage, s'exprimait une douce sérénité que rien ne semblait pouvoir ébranler. En la voyant dormir paisiblement, ses cheveux de lins délicatement tirés vers l'arrière comme si elle s'était coiffée avant de se coucher, j'éprouvai un craintif contentement ; à la fois comblé d'avoir trouvé l'amour de ma vie, mais apeuré à l'idée de le perdre.

J'aurais pu rester là éternellement, étendu sur le lit à la contempler d'un regard éperdu d'amour après une nuit torride. Si je savais peindre, je la dessinerais pour qu'elle devienne une œuvre unique ; si je savais jouer de la musique, je lui composerais une sonate, que dis-je, un concerto même ! Une pièce tellement grandiose que le grand Mozart en serait envieux.

Elle ouvrit les yeux avec autant de volupté qu'une plume blanche qui se serait posée délicatement sur le sol après s'être fait transporter par le vent d'automne. Ils étaient vert émeraude et cerclés de noir. Son regard atterrit sur le mien ; il était si profond que je pus apercevoir l'abîme de son âme, aussi aimant que familier. Cette âme, j'avais cette impression de la connaître depuis des lustres...

Elle dessina un sourire de ses lèvres tout juste épaisses comme pour exprimer son enthousiasme matinal à se savoir à mes côtés. Je lui rendis son sourire tout en caressant son visage doux comme la soie.

Nous restions là, à nous contempler, hébétés, sans dire mot car l'amour véritable est muet et s'exprime de lui-même par le silence. J'aurais aimé que ce moment-là, cet instant présent fût immuable. Si j'avais eu le pouvoir de Dieu, j'aurais fait en sorte que la Terre s'arrêtât de tourner, en vain. Le soleil essaya de se frayer un chemin à travers les rideaux gris pâle qui couvraient la baie vitrée de ma chambre. Il nous poussa à sortir du lit. À ce moment, j'entendis un « boum » qui semblait provenir de la rue. La pièce se mit à trembler, les meubles s'ébranlèrent, mon amour se désagrégea comme un château de sable prit par le vent. Une profonde tristesse m'envahit, car je savais que je n'allais plus revoir ma femme avant bien longtemps...

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant