3. Luminaya

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C'est sans aucun doute un endroit agréable à vivre et plus propice à la vie que l'est Noxe. Il fait jour et chaud tout le temps, mais cela nous paraît naturel puisque nous sommes tous nés baignés dans la lumière de notre étoile. Par conséquent, nous avons tous la peau cuivrée, les cheveux et les yeux bruns, variant du noir au marron foncé comme la terre. Il arrive que certaines personnes aient les cheveux naturellement clairs, mais nous les comptons sur les doigts de la main.

Pour ma part, j'avais à cette époque une fine chevelure bouclée et soyeuse, d'un noir ébène. J'avais une coupe au bol, mes cheveux n'étaient pas bien longs et ne descendaient pas plus bas que mes oreilles. Mes yeux étaient d'un marron tellement obscur qu'ils se confondaient avec mes pupilles ce qui rendait mon regard ténébreux et franc. Ma mère me répétait souvent que j'étais beau garçon, mais elle me disait certainement cela parce que j'étais son fils. Elle n'était donc pas très objective.

C'est à ce moment-là de ma vie que j'appris que les Chandréens surnommaient la partie lumineuse de la planète "Luminaya", alors que d'autres l'appelaient Tiklit, ce qui signifiait "La Ville Planète" dans notre langue. En effet, la partie lumineuse n'était ni plus ni moins qu'une vaste cité, voilà pourquoi notre planète vue du ciel était gris pâle comme un ciel pluvieux ; elle prenait la couleur des gratte-ciels qui avaient poussé comme des boutons d'acné depuis des centaines de Cycles.

J'imagine que si les êtres humains avaient pu coloniser Noxe, Chandra ne serait qu'une vaste mégalopole aux allures interminables, omniprésente, recouvrant quasiment quatre-vingt-dix pour cent de la planète.

Sur Luminaya, les nouvelles technologies ont permis de développer les villes à la vitesse de l'éclair au détriment de la nature, petit à petit grignotée par le béton et remplacée par des substituts synthétiques tels que des arbres artificiels. Mais ces tiges de verdures factices nous sont nécessaires, car elles permettent de dépolluer les zones urbaines.

En outre, la technologie avait écarté l'Homme de la spiritualité, faisant des jours fériés les derniers vestiges de ce que les humains appelaient autrefois la religion.

Ce large labyrinthe de ciment qu'est Luminaya possède tout de même des bois, mais ils finissent toujours par se retrouver encerclés par une forêt de béton, de métal et de verres ou bien plongés dans la pénombre de nos gratte-ciels striés comme la corne d'un narval.

Le seul élément naturel qui ait résisté à l'Homme est notre océan, enfin notre lac devrais-je dire, qui se trouve au centre de la planète et qui chevauche l'équateur en sa partie septentrionale et méridionale. Ce lac est tellement grand que l'on peut le considérer comme un océan. Il est quatre fois plus profond que toutes les mers réunies sur Terre. Cependant au fur et à mesure des siècles, sa taille rétrécit comme une peau de chagrin. Au début, il recouvrait vingt pour cent de Luminaya, aujourd'hui il n'en recouvre plus que dix.

Les raisons sont multiples, mais émanent toutes de notre main. Comme si l'évolution de l'être humain devait se faire au détriment de la nature, les Chandréens n'avaient pas trouvé mieux que de peupler le lac d'habitations sur pilotis et d'ajouter des îles artificielles vérolant le lac tels des boutons de varicelle sur un visage d'enfant. Il y a même un District entier qui se trouve sous l'eau ! Il s'agit du Treizième, plus communément appelé "Atlantide", en référence à un mythe propre à votre civilisation.

Néanmoins, en dehors de ce prodigieux point d'eau, tout le reste est purement artificiel, créé par la main de l'Homme lui-même ; les arbres, les fleurs, l'herbe, les rivières... De nombreuses parties de la ville détiennent aujourd'hui de vastes points d'eau artificiels puisque notre race ne peut subsister sans ce précieux liquide délivré par les glaciers de Noxe et les capricieux océans de notre lune Léviathan.

La vie aux mille visages (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant