Chapitre 4

428 62 38
                                    


« Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur »

-Alfred de Musset


Les neiges éternelles.

Voilà à quoi se résumait l'horizon de l'ange depuis ce qu'il lui semblait être de longues heures.

Un désert blanc, presque aussi inhospitalier que ceux du Sahara, et au moins aussi mortel.

Les températures glaciales lui avaient fait perdre la notion du temps, comme si son esprit se résumait à la blancheur immaculée du paysage monochrome. Les montagnes se découpaient dans un ciel tout autant délavé et les cavités qu'elles renfermaient représentaient autant de refuges potentiels à son ennemi. De même, la neige qu'il foulait pourrait bien s'ouvrir sous ses pieds pour l'avaler dans les profondeurs d'un gouffre.

Cyriel ignorait où il se trouvait exactement. Les Alpes ou les Pyrénées au mieux, mais il n'était pas improbable que sa poursuite l'ait mené dans des contrées plus reculées encore. Sa traque l'avait entraîné bien loin de sa protégée, Chesna. Bien loin de toute vie humaine, à bien y réfléchir.

La créature maudissait son ennemi pour cet exil forcé et se promettait de le renvoyer dans les méandres du Royaume de Lucifer. Il le réduirait peut-être même à néant, par simple esprit de vengeance.

Ses ailes commençaient à manifester des signes évidents d'épuisement. Comme un fardeau qu'il lui serait pénible de porter. Un poids que son corps ne serait pas en mesure de supporter bien que cela ne lui ressemblait en rien. La colère qui l'avait ébranlé avait survécu aux conditions extrêmes de sa chasse et, aussi ironique cela puisse être, il avait troqué son rôle avec celui de sa proie.

Le Chasseur chassé.

Ce jeu s'éternisait. Les deux participants finissaient par s'en lasser. Trop tard. La partie n'était pas encore terminée. Il fallait un vainqueur et un vaincu. Le triomphant écraserait le plus faible, c'était ainsi que les choses avaient été écrites et les opposants n'avaient plus qu'à s'y plier.

Dès que la silhouette d'Oghnyann apparaissait aux détours des cavernes monstrueuses, elle se fondait dans la glace pour y mourir. Un mirage fait de cristaux aussi tranchants que des lames de rasoir. Un rire fou que l'écho rendait éternel, mais le rire s'amenuisait et Cyriel sut que son ennemi s'affaiblissait de minute en minute. L'épuisement et l'état cauchemardesque de son énergie vitale en viendraient à bout.

Cyriel crut se perdre de toutes les manières imaginables. Ses cheveux plus sombres que la plupart des anges étaient prisonniers de la neige, comme si cette dernière cherchait à avaler le corps étranger pour le faire sien. Le souffle court, ses yeux clairs supportaient mal l'intense luminosité. Le soleil frappait ce tapis blanc pour agresser ses pupilles et l'éblouir. Il lui fallait parfois de longues secondes avant de percevoir les détails du décor lorsque le soleil frappait la neige à l'endroit où il posait l'œil. Énième torture de ce jeu sans fin.

Il ressentait la magie de son adversaire comme si Oghnyann abandonnait sur son sillage une trace malodorante qu'il serait aisé de poursuivre. Des volutes sombres, signature de la créature, de ce démon d'une puissance insolente, coloraient l'atmosphère. Une odeur infecte qui le prenait à la gorge et lui rendait cette épreuve d'autant plus infernale. La créature empestait son fluide vital et sa signature démoniaque.

Enfin, alors qu'il débouchait sur l'entrée d'une sorte de grotte enfouie dans le flanc d'une montagne, la silhouette de l'être se profila. L'ombre étreignait son ombre pour ne former qu'un amas obscur où il était complexe de discerner à quel endroit commençait l'un et finissait l'autre. Un monstre difforme qui semblait si bien correspondre à la cruauté de son espèce. De la pénombre, il semblait être le maître absolu.

Au diable les angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant