Suivie...

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Après la séance de photos, Abdallah insiste pour que Capucine reste déjeuner avec lui. Elle refuse, elle n'a pas faim et a décidé d'acheter les cadres tout de suite plutôt que le soir. Elle a repéré un bazar à l'entrée de la rue de son travail.

- J'ai une course à faire... Et je ne veux pas abuser de ta gentillesse...

- Un autre jour alors ?

- Je verrai...


Capucine laisse son dîner mijoter doucement sur le feu pendant qu'elle sort acheter du pain à la boulangerie du coin. Un homme, déjà croisé dans le quartier, qui vient d'acheter deux pains, la dévisage, puis s'arrête un peu plus loin.

Elle paye le boulanger et se dépêche de rentrer chez elle pour ne pas brûler son repas. L'homme s'avance vers elle et lui dit quelque chose qu'elle ne comprend pas. Elle lui répond :

- Sorry, I don't speak Arabic...

- You're a beautiful girl. Do you want to come with me ?

La drague bien lourde, elle soupire :

- No !

Avant de lui tourner le dos et se hâter de rentrer chez elle...

Elle entend un bruit de pas rapide derrière elle, elle se retourne à moitié et voit que l'homme la suit. Elle a peur brusquement, il a beau faire encore jour et y avoir des gens dans la rue, elle ne peut pas s'empêcher de paniquer parce que chez elle, elle est seule. Sait-il qu'elle vit seule à présent ? Il est du quartier après tout...

Elle tremble tellement en mettant la clef dans la serrure qu'elle la fait tomber. Alors qu'elle la ramasse, l'homme la bloque contre la porte :

- Pourquoi le photographe est-il parti ?

Elle comprend qu'il parle de M. Lesouple :

- Laissez-moi tranquille ou...

- Ou ?

- Ou j'appelle mon fiancé !

Elle raconte n'importe quoi pour se débarrasser de lui.

- Ton fiancé vraiment ?

Il se souvient l'avoir déjà vue monter à plusieurs reprises en taxi avec Abdallah :

- Ah le chanteur, c'est lui ton fiancé ?

Elle ne répond pas, mais lui a un mouvement de recul. Elle en profite pour remettre la clef dans la serrure, ouvrir, rentrer et refermer la porte en la bloquant bien pendant qu'elle referme à clef de l'intérieur. Elle ignore s'il est parti ou non. Mais elle est morte de peur... 


Elle va dans la cuisine, emballe son pain et arrête la cuisson de son repas. Elle n'a plus faim, la panique lui coupe l'appétit. Elle sort son téléphone portable pour appeler M. Lesouple (il connaît peut-être cet homme), avant de se souvenir qu'elle n'a que son adresse, pas son numéro.

Elle monte dans sa chambre pour tenter de se calmer, voit les photos de Matthew sur sa petite table, repense aux cadres et redescend les chercher dans le salon où elle avait posé le sac en plastique du bazar.

Elle retourne dans sa chambre, sort les cadres du sac et les démonte pour y placer les photos. Elle reste à les regarder à présent, Matthew devant son micro sur l'une, le regard et le sourire de Matthew sur sa couchette sur l'autre... Elle aurait envie de remonter le temps pour revivre ces instants dans le van avec lui... et même s'il ne l'aimait pas... Il l'a sûrement oubliée à présent, cela fait si longtemps, 1 an 1/2 depuis ce 1er janvier 1998 quand il l'avait appelé à 1 heure du matin pour lui souhaiter une bonne année, un bon anniversaire et lui parler de l'EP qu'il voulait enregistrer... Et plus jamais de nouvelle de lui depuis... Ses larmes se mettent à couler une fois de plus... [Les miennes aussi 😭... Et cette musique en fond n'arrange rien...]

Elle se met en pyjama et se couche, tente de dormir, mais n'y parvient encore pas. Comme la nuit dernière, la tristesse et la peur l'assaillent, l'empêchant de trouver le sommeil... Elle croit parfois entendre des bruits en bas, se lève pour aller voir, mais il n'y a rien, les bruits viennent de dehors, et elle a peur de dehors aussi.

- Je deviens folle...

Elle remonte dans sa chambre, regarde l'heure : il est presque une heure du matin...

- C'est l'heure terrible... Les derniers mots que j'ai eu avec lui, c'était à cette heure-ci... Mon Dieu, je suis en train de perdre la tête...

Elle se remet à pleurer...


Les jours et les nuits vont passer comme cela... Des jours où presque tout paraît normal, Fatima tous les vendredi, Abdallah, son travail, des nouveaux clients principalement pour des photos de mariage et parfois des petits groupes de musique égyptiens underground aussi... Mais des soirs et nuits terribles... L'homme qui l'avait suivie a tenté de la suivre et de l'épier plusieurs fois. Du coup, elle a toujours peur... et elle est encore infiniment triste aussi... Ses traits se tirent de plus en plus avec le manque de sommeil et le chagrin. Elle recommence à perdre du poids. Abdallah finit par se rendre compte que quelque chose ne va pas, il soupçonne un nouvel épisode dépressif... 

PIERRE DE FEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant