Chapitre 22

244 32 3
                                    

Rudy Mitchell

Le roux était emmitouflé dans un plaid avec un petit gâteau. Il mangeait ses sucreries avec un appétit enthousiaste et passait un moment convivial en compagnie de ses deux vieux voisins, ils attendaient patiemment que le jour se lève. Chaque seconde mettait un temps incalculable à s'écouler et la nuit paraissait sans fin. Rudy avait l'impression d'être redevenu un bambin quand les années perduraient une vie et que les étés duraient une éternité.

Il entendait des cris d'agonies résonner dans toute la vallée, et le nombre d'assaillants semblait avoir triplé par rapport aux nuits précédentes. Monsieur Fuller serrait contre son torse un fusil qui devait être aussi vieux que le village. Il surveillait la porte du coin de l'œil tremblant à chaque bourrasque qui s'abattait sur la porte. Madame Fuller quant à elle, tricotait, cependant ses mailles n'étaient pas aussi nettes et régulières qu'à l'habitude. En effet le tremblement de ses mains la rendait moins précise dans son ouvrage. La maison n'était qu'une illusion de sérénité, puisque chacun d'entre eux se sentait tiraillé par la peur.

Alors que les heures défilaient au son des hurlements, un cri s'éleva plus près de la maison que les précédents. La personne qui s'évertuait devait se trouver à moins de trois cents mètres de là. Le sang des trois personnes présente dans la pièce se glaça d'effroi. Rudy sentit une goutte de sueur coulée le long de son échine quand il reconnut la plainte de sa sœur. Le sang de l'adolescent se figea dans ses veines, immobile il assista de manière auditive au meurtre d'Angelina. Le temps passa, ses voisins s'agitaient, Rudy, lui, essayait de se convaincre que ce pouvait être une autre fille, qui avait une voix semblable à celle de sa sœur. Son cerveau se mit à former un amas de pensée incohérente. Il repoussait l'horrible vérité, son corps se mit en à trembler de terreur, les hurlements s'effacèrent petit à petit de sa tête, il ne lui resta bientôt qu'une comptine que sa mère lui chantait pour s'endormir.

"À la claire fontaine, M'en allant promener, J'ai trouvé l'eau si belle, que je m'y suis baignée. « Chantonnait la petite voix présente à l'intérieur de sa tête. Elle le baignait de la chaleur réconfortante de son enfance. Il se sentait protéger et chérit, il était dans une sorte de paradis intérieur. Il pensait réellement dériver sur les flots ardents du nirvana. Il ne voulait plus jamais quitter ce lieu et ne voulait surtout pas revenir dans l'instant présent. Il préférait rester en suspens dans un endroit de son cerveau situé entre le rêve et la réalité.

Monsieur Fuller le secoua et le petit roux sorti de sa douce quiétude. L'aube commençait à pointer le bout de son nez et le soleil était assez haut dans le ciel pour qu'ils puissent sortir sans crainte.

L'extérieur était identique au jour auparavant, pourtant une odeur de sang flottait dans la contrée. Monsieur et Madame Fuller commencèrent à descendre la colline pour aller au point de ralliement, comme dans les consignes données par le maire. Mais leur surprise fut grande quand, ils aperçurent au beau milieu de l'herbe, dans une flaque de sang coaguler, le corps d'Angelina. Rudy présent quelque pas derrière eux s'approcha jusqu'à pouvoir apercevoir ce qui se passait. Il observa la scène, encore sous le choc, et ne réalisant pas ce qui se passait. Il finit par poser les yeux sur le visage mutilé de sa sœur. Il semblait lui dire :

" Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai. "

Les deux adultes lui barrèrent la vue, Madame Fuller lui prit la main avant de le guider en direction de la place du village. Pendant ce temps la voix continuait la comptine d'un air guilleret :

" Sous les feuilles d'un chêne, Je me suis fait sécher, sur la plus haute branche, Un rossignol chantait. "

On le fit s'asseoir sur un banc, et il ne bougea pas d'un millimètre pendant des heures alors que les gens autour de lui, pleuraient dans les bras de leurs proches et se lamentaient sur la disparition des autres.

Vers midi, le maire vient le voir et posa sur lui un regard chargé de regret et de compassion. Il laissa retomber sa main sur l'épaule du jeune homme et lui déclara :

— Toutes mes condoléances.

Rudy le dévisagea et le visage de sa sœur lui revient en tête, cette fois si le corps s'anima et lui souffla une nouvelle fois :

" Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai. "

Le blond s'éloigna pour vaquer à ses devoirs auprès des autres personnes en deuils. La voix qui détenait une note sournoise reprit :

" Chante, rossignol, chante, Toi qui as le cœur gai, Tu as le cœur à rire, Moi je l'ai à pleurer."

Rudy prononça l'ultime mot en même temps que la voix, il prononça ce mot pour mettre une émotion, sur ce qu'il devait ressentir. En effet Rudy ne ressentait plus rien, ne sentait plus rien, il se sentait vide et seul.

Son malheur était tel que la douleur avait déserté son corps chétif. Il ne savait même pas s'il était encore capable de marcher, de manger ou de vivre tout simplement. Le temps pouvait passer, il ne sentirait rien. On pouvait regarder ses yeux, on ne verrait rien. Il était presque devenu inerte ou incapable de ressentir la moindre chose.

Mais lorsque son attention fut attirée par un oiseau qui se posait sur une branche appartenant à l'arbre en face du banc. Il sembla se réveiller lentement de sa léthargie. Le garçon regarda l'oiseau aux deux grands yeux semblables à des billes noires. Le chant magnifique du rossignol consola le garçon, il avait l'impression que les prunelles qui le regardaient étaient celles de sa sœur défunte. Cette dernière semblait le supplier de continuer sa vie. Le roux finit par lever les yeux au ciel et promit à sa sœur qu'il ferait tout pour ne pas la rejoindre prématurément.

_____

Hey,

Comme je ne suis pas vraiment satisfaite de ce chapitre j'en publierais un autre aujourd'hui.

Aimer

Est SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant