Chapitre 6

309 50 0
                                    

Loup Morrison

Le garçon rentrait de l'école, comme chaque jour, il parcourait les rues de Thiercelieux. Il connaissait chaque petit détail. L'agencement des pavés irréguliers, les lampadaires espacés d'une dizaine de mètres, les angles de rues, les rues sinueuses, les ruelles lugubres où les maisons étaient tellement rapprochées que le soleil n'arrivait pas à filtrer. Tout ce qui touchait au petit bourg n'avait plus aucun secret pour lui. Il aurait pu se balader les yeux fermés, il n'aurait en aucun cas trébuché et ne serait tombé.

Il se réjouissait, puisque pour son plus grand bonheur personne n'était présent à ce moment-là.

Après avoir franchi le portail en bois qui ressemblait à un ramassis de déchets et de décombres. Il pénétra enfin dans ce qui restait de sa maison. Quand le reste du village affichait un charme désuet la demeure de l'adolescent, elle, ressemblait à la déchèterie du coin. D'ailleurs la plupart des habitants affichaient leurs mépris dès qu'ils croisaient l'un des siens.

Loup monta les escaliers quatre à quatre, puis il se jeta sur son lit et se mit dans une position confortable. Regardant le plafond, où il y avait quelques traces de moisissures et où la peinture défraichie devait dater du siècle dernier, il se mit à penser à son futur.

Loup voulait voyager, découvrir de nouvelles cultures, faire de nouvelle rencontre mais son objectif principal était de dégager de ce trou à rats. Il rêvait de monde et de terre encore inconnue. Dans ses rêves il les découvrait comme le capitaine Némo accompagné du professeur Aronnax découvrait vingt-mille lieues des millions de kilomètres qui se trouvaient sous les mers. Il n'était personne d'autre que lui-même.

Il était heureux, il se sentait léger. Comme il aimait se le dire il se shootait au rêve. Le problème était que dans ses rêves tout était parfait. Pour Loup une vie parfaite rimait avec une vie sans mélancolie. Mais comment peut-on être heureux quand on n'a jamais été triste. La vie paraitrait alors fade et sans saveur. On chérit les moments où on est bienheureux parce que l'on sait qu'ils ne sont pas éternels, ils rythment notre quotidien pour que la vie vaille la peine d'être vécue.

Loup en avait marre de déprimé pourtant d'après Rudy il était un grand optimiste, il voyait toujours du bon là où il n'y en avait pas forcément. Mais pour lui tout était plus joyeux, plus étincelant, plus resplendissant que ce qu'il avait l'habitude de vivre, alors il trouvait que les problèmes des autres étaient simples et sans importance.

Le garçon ne savait combien de temps il était resté dans cette position mais son réveil indiquait désormais vingt et une heures. Il se leva et eut envie subite de se rendre dans la forêt. Loup était une personne qui suivait ses désirs quand ils apparaissaient. Il se souciait rarement des conséquences. Alors suivant sa merveilleuse idée il se dirigea vers la forêt.

Dans la plaine, les fleurs éclairaient le chemin, il avait l'impression d'être attendu. Quand il traversa les hautes herbes qui se mêlaient aux fleurs, des milliers de petites lucioles s'élevait dans son sillon. Elles ensoleillaient l'air ambiant et s'éclipsaient en direction de la lune.

Loup continua sa route dans la pénombre de la forêt, il peinait à distinguer ce qui l'entourait.

Son instinct lui dicta de prendre un chemin qu'il n'avait encore jamais emprunté. Le sentier le menait à la montagne, il y avait un rocher qui surplombait la forêt. Loup s'assit et laissa ses deux jambes pendre dans le vide. Il regardait l'endroit qui l'avait vu naître et qu'il avait hâte de quitter. Sa soif d'aventure le rendait avide d'explorer de nouvelles contrées.

Dans le silence troublant de la nuit il entendit une voix s'élever, bientôt suivit par d'autres. Il est trop loin de la source pour qu'il puisse entendre distinctement les paroles. Un petit groupe s'approchait et ne cherchait pas à être discret.

Ce que disaient les inconnus avaient l'air important. Son instinct lui dicta de retenir son souffle et de tendre l'oreille. Il réussit à percevoir quelques mots mais pas assez pour qu'il puisse comprendre le sens de la conversation. Pourtant avec les mots qu'il entendit il put deviner qu'il était en présence des loups-garous dont avait parlé Elias.

Son sang se glaça dans ses veines et une goutte de sueur glissa de sa tempe à son cou pour finir sa course le long de son échine. Loup se pencha dans l'espoir de voir la tête des lycanthropes mais comme il le craignait la nouvelle lune et la végétation accentuait l'obscurité.

Dépité il releva la tête et des horribles craquements d'os le sortir de sa douce torpeur. Il avait l'impression qu'un éléphant s'amusait à faire des allers-retours sur les personnes en dessous de lui. Ces bruits lui donnèrent des hauts le cœur et lui retournèrent l'estomac. Il finit par vomir dans un petit buisson qui se trouvait près de lui.

Les craquements s'arrêtèrent aussi vite qu'ils avaient commencé. Ils furent remplacés par des halètements. Puis le hurlement d'un loup perça le silence de nuit.

Est SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant