44. Les servants

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Zögarn ne s'exprimait jamais par mots, mais par intuitions. Il dirigeait l'attention d'Adrian sur un détail. Il lui transmettait une pensée, une idée. Il avait toujours raison, car il préférait se taire plutôt que de dire quelque chose dont il n'aurait pas été sûr.

Dès qu'il vit le brouillard des anneaux solaires, les petits astéroïdes plongés dans cette soupe brumeuse orangée, Adrian se dit qu'il s'agissait d'un lieu idéal pour se cacher. À la place des servants d'Hélios, il se serait installé ici. Mais impossible d'y camoufler un gros vaisseau. Il fallait s'accrocher aux rochers, se couvrir de sable et de poussière et attendre que l'Armada passe à portée.

Lorsque les servants d'Hélios s'attachèrent aux premiers vaisseaux vampires, tels des bernicles noirâtres sur le dos d'une tortue de mer, Adrian ne fut pas surpris ; il courait déjà dans les couloirs de l'Indra, guidé par son instinct. Les haut-parleurs faisaient circuler des messages d'alerte, mais personne ne savait encore où ils avaient abordé l'Indra. Seul l'instinct guidait Adrian. Zögarn lui disait quel chemin emprunter, quelle porte verrouiller après son passage pour empêcher la progression des pirates et sauver quelques membres d'équipage de plus.

Sur le chemin, il prit conscience que les assaillants ne seraient pas humains.

Leurs vaisseaux étaient petits : de simples capsules pour les protéger du vide. Le système ne comportait aucune trace de construction spatiale de plus grande envergure, qui aurait pu permettre de les transporter jusqu'ici. C'est donc qu'ils avaient toujours vécu ici, à l'intérieur des astéroïdes ! Or des êtres humains ne pouvaient pas survivre durablement dans un environnement aussi hostile, sous une telle dose de radiations solaires.

Des samekhs, conclut Zögarn.

Adrian n'avait jamais rencontré de samekhs, mais on lui avait parlé d'un monde où ils cohabitaient avec les humains. Il savait aussi que les samekhs pouvaient adopter de nombreuses formes, que leur biologie était très malléable, et qu'au prix de grands sacrifices, ils pourraient survivre dans les anneaux de Sol Realis.

Nous sommes une armée d'invasion, songea-t-il, et ils défendent leur territoire.

Il n'y avait rien à redire à cela. Impossible de les convaincre du contraire.

« Où est-ce que vous allez ? l'interrompit un homme armé, qui courait dans l'autre sens. Ils sont entrés là-bas !

— Est-ce que c'est dépressurisé ?

— Pas encore, mais on ne sait pas si la coque va tenir. »

Adrian regarda autour de lui. Il se trouvait dans une baie de stockage ; des rails couraient au plafond du couloir de service, pour déplacer les caisses de vivres. Il eut l'impression que ses yeux traversaient les murs blancs ; Zögarn lui montra la batterie thermo-cinétique la plus proche.

« Ils veulent nos canons, comprit-il.

— Vous m'entendez ? Il ne faut pas rester là !

— Merci du conseil. »

Il poursuivit sa course et attrapa un extincteur sur le chemin, pour voir s'il s'en servirait aussi bien que Garrison.

Un vaisseau spatial étant un environnement confiné, comme un navire, le feu y représente une menace considérable. C'est pourquoi le tracé des systèmes électriques de l'Indra avait été optimisé pour minimiser le risque de court-circuit. La dépressurisation est la deuxième plus grande menace. C'est pourquoi les zones de vie du vaisseau, les couloirs de service essentiels, la distribution d'énergie, le contrôle des réacteurs et la passerelle se situaient à l'intérieur. Les extincteurs, toujours situés à portée de main, ambitionnaient de lutter contre ces deux menaces : un premier bouton vaporisait une brume carbonique pour étouffer le feu ; un deuxième mélangeait les mêmes molécules avec un catalyseur, qui les transformait en une sorte de pâte à choux aux reflets métalliques. Une résine à prise rapide pour reboucher les petits trous.

Nolim II : Le dévoreur d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant