34. Le marteau des dieux

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En se connectant à l'Interface Mentale de Mjöllnir, la servante d'Ivan avait montré aux vampires qu'elle était la pilote attendue par le vaisseau fantôme. Mais un seul exploit ne suffit pas. Mjöllnir devait encore graver sa légende dans l'esprit de la flotte lazaréenne.

« Pour le moment, ils n'ont pu voir qu'une seule chose, expliqua le Grand Ivan en amenant sa domestique dans le Narthex. Lors de notre trajet jusqu'à Lazarus, Mjöllnir a acquis une accélération dix fois supérieure à celle dont nos technologies sont capables. Il s'agit donc du vaisseau le plus rapide de la flotte. Mais d'aucuns diront que la rapidité ne fait pas tout ; que dans les combats qui nous attendent, la puissance de feu est primordiale.

— Ne se trompent-ils pas ?

— Là n'est pas la question. »

L'intérieur accessible de Mjöllnir avait été nettoyé en quelques jours. Le vaisseau reluisait comme s'il était neuf ; rien ne permettait de prendre conscience de ses millénaires d'attente passive. En passant, Ivan passa sa main sur les arabesques de laiton des coursives. La servante se sentit heurtée par ce geste familier, celui d'un imposteur ignorant de la vraie nature de Mjöllnir, de la relation entre le vaisseau et sa pilote, qui se moquait bien des plans de la flotte vampire.

Une poignée d'officiers tenait conciliabule dans le Narthex. Ces vampires élancés, purs produits de l'Académie militaire, affinés plusieurs mois dans les vaisseaux de la flotte, venaient visiter la toute nouvelle acquisition d'Ivan. Comme une riche aristocrate qui tient salon, et s'enorgueillit de pouvoir présenter le poète le plus renommé de son temps, Ivan exultait. On le salua avec déférence ; tenant à peine en place, il rendit ces saluts avec une fausse modestie.

« Allons-y, lança l'amiral Bokariov, surgissant du groupe des officiers. Il est dit que Mjöllnir est une arme confiée par les dieux aux vampires, un marteau pour frapper les ennemis de Kaldor. Montrez-nous quelle est la puissance de ce marteau. »

Il ne s'adressait pas à la servante, mais à Ivan. Elle avait espéré que les esclaves humains occupent une place différente dans la flotte, eût égard à leur importance pour le pilotage des vaisseaux ; au contraire, les vampires ne les voyaient que comme des interfaces, donc des outils.

Le Grand Ivan fit un geste, lui ordonnant de s'installer dans le sarcophage.

Elle craignait que Fréya ne se manifeste pas, comme le génie qui cesse de répondre aux appels dès lors que les trois vœux ont été réalisés. Ils avaient cru bon de la vêtir d'une combinaison incomplète, comme une tunique de cérémonie, qui laissait ses bras nus. Elle tremblait de tous ses membres lorsque sa tête entra dans le champ du casque à électrodes.

En voyant les regards des vampires rivés sur elle, les canines perçant de leurs mâchoires serrées, la servante crut que son cauchemar venait de se réaliser. Mjöllnir resterait sourd à ses appels.

« De quoi as-tu peur ? »

Elle sursauta ; son esprit venait de nouveau de s'extraire de son corps physique et de s'insérer dans un médium abstrait, un corps astral qui reproduisait ses sensations à l'identique.

« Tu n'as pas à avoir peur de moi. Je ne peux te faire aucun mal ; tu es ma pilote. Tu n'as pas à avoir peur des vampires qui sont autour de toi. Ils ne peuvent plus rien contre toi, pour la même raison. »

Dans l'attente d'ordres précis, Fréya laissa la pilote faire le tour de l'assemblée vampire réunie ici.

« Pourrais-tu les tuer si je t'en donnais l'ordre ?

— Je ne peux pas employer d'armes offensives à l'intérieur de Mjöllnir. Seulement des champs d'intégrité pour te protéger toi-même.

— Peux-tu lire dans leurs pensées ?

Nolim II : Le dévoreur d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant