Ne rien dire, c'est déjà dire quelque chose ; en d'autres termes, on n'a pas le choix.
Adrian von Zögarn, Maximes pour mon petit-fils Maxime, ou de la philosophie pour les enfants
L'Indra se mit en orbite autour de Nemus. Hormis l'apparition de ce petit disque marbré de bleu et de vert sur les écrans, rien n'avait changé pour l'équipage, tant qu'Ek'tan n'envoyait pas de délégation officielle au sol.
Sur la passerelle, Adrian occupait désormais à mi-temps le fauteuil du pilote ; d'une séance de bricolage à l'autre, il avait trafiqué ses moniteurs, installé des boucles de rétrocontrôle sur des cartes à puce soudées à la main, reprogrammé une partie du pilotage automatique, inséré une sorte de levier de vitesses ainsi qu'une boîte à bonbons. Il était encore le seul de l'équipage à en manger. Il y avait quelque chose de très énervant à le voir mâchonner ses caramels mous, mais il faisait aussitôt une blague (« Un jour, Platon s'est fait piquer par un moustique. Depuis, il Socrate. ») et tout rentrait dans l'ordre.
« Lancement de la sonde d'exploration « Spoutnik 2 », 3, 2, 1, 0, -1, -2... décollage. »
L'image lui parvenait sur l'écran annexe de son moniteur ; tous les officiers s'étaient amassés derrière lui pour suivre son avancée. Adrian parlait tout en contrôlant la sonde au clavier, comme un guide faisant une visite guidée.
« Première chose, éviter les bancs de débris. On a un gros morceau par ici, petite photo. Je vous présente ce qui a dû être une Arx Imperia, du temps de l'Imperium Justitiae... mais c'était il y a deux mille ans, vous n'étiez pas nés, moi non plus. Stella Nemus faisait partie de cet empire stellaire. On raconte que la planète a rejoint la rébellion du consul Lucius Catius Falimus, ou quelque chose comme ça, ce qui a précipité le basculement de l'empire. La plupart des morceaux devraient dater de cette époque.
— Si Stella Nemus n'a aucune capacité spatiale, elle ne sera d'aucun intérêt pour l'Armada Secunda.
— Détrompez-vous, amirale, dit Adrian en évitant une grande poutre métallique froissée comme un cintre plié. Pour une armée spatiale, il est toujours bon d'avoir un port d'ancrage. D'où l'intérêt d'être en bons termes avec absolument tout le monde, science dont je suis le spécialiste. De plus, si la guerre s'éternise, Nemus aura tout le temps de bâtir ses propres chantiers spatiaux.
— Adrian ?
— Oui ?
— Pourquoi est-ce que vous ne vous téléportez pas directement à la surface de la planète ? N'est-ce pas ainsi que vous êtes monté à bord ?
— C'est une excellente question, je vous remercie de l'avoir posée. Oh, regardez, on arrive dans la haute atmosphère. Tous ces petits nuages, on dirait... plein de... de petits nuages.
— Répondez-moi.
— Ma téléportation sans médium est assez... je ne dirais pas périlleuse, plutôt... téméraire. Comme je ne suis pas allé sur Nemus depuis un siècle ou deux, je n'ai aucun point d'attache. Je risquerais de me retrouver enfoui dans un marécage, ou au fond de l'eau. Ou carrément incrusté dans une montagne. J'aimerais ne pas avoir à attendre un million d'années que la tectonique des plaques mette fortuitement à jour ma moustache fossilisée. »
L'image se mit à trembler, car la sonde s'échauffait au contact de l'atmosphère et traversait des vents violents. Adrian sifflota.
« On devrait arriver tout près d'une ville. Si elle existe encore. L'important, c'est de ne pas s'écraser dans la ville, ce serait du plus mauvais effet. »
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Nolim II : Le dévoreur d'étoiles
FantasiKaldor est vaincu. Le dévoreur d'étoiles est libre. Sorti de sa prison céleste, il ne lui reste plus que quelques années de voyage avant d'atteindre les premiers systèmes stellaires de l'Omnimonde. Kaldor avait un plan pour le vaincre. Mais ce plan...