46. Son Plan

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Il est indéniable que l'atmosphère offre à la vie un confort appréciable. Ses qualités vont au-delà du dioxygène que l'on respire. Concentrons-nous sur la diffusion de la chaleur.

Dans l'espace, il est extrêmement difficile de dissiper de l'énergie. En effet, en l'absence de conduction due au contact direct et de convection due au balayage incessant d'un fluide, tel que l'air, le seul biais de transmission d'énergie est le rayonnement.

Il est bien connu, et c'est même la seconde loi de la thermodynamique, que l'énergie se dégrade depuis une forme ordonnée, ou cohérente, sous une forme désordonnée. La lumière émise par un tube de néon est une forme ordonnée. La chaleur émise par un corps humain est une forme désordonnée, comme un résidu de production industriel. Or les moyens les plus efficaces de rayonner consistent à produire de l'énergie cohérente, comme un faisceau laser, ou des réactions nucléaires de haute énergie, comme les puits de fusion que sont les étoiles ordinaires.

On croit souvent qu'un vaisseau plongé dans le vide spatial se refroidit aussitôt. En réalité, s'il accumule plus de chaleur qu'il n'est capable d'en rayonner, ce vaisseau se transforme en étuve. La gestion de la chaleur pour les voyages de longue durée représentait ainsi un défi technologique remarquable, que Rems n'avait pu relever que grâce aux précieux indices abandonnés par l'ancienne Armada engloutie sous ses eaux.

Pour Hélios, ce problème n'existait pas, car il était une étoile vivante, pour qui l'énergie était une chose gratuite, futile, qu'il pouvait dissiper en quantités astronomiques, tel un prince dispendieux. Ce fils prodigue rayonnait encore lorsqu'il atterrit sur la planète Realis, bien que son aura n'eût cessé de se réduire, jusqu'à n'englober pas plus qu'une silhouette de taille humaine.

Lorsqu'il posa le pied sur la planète, celui-ci était froid ; il illumina la glace de méthane à son contact, sur laquelle circulèrent des figures d'aurores boréales, comme si des êtres s'étaient éveillés et s'agitaient sous la surface de l'océan gelé.

Dans les derniers kilomètres de sa descente, en traversant la maigre couche nuageuse de Realis, Hélios lui avait transmis une énergie qui fit naître un ouragan de méthane. Les premières gouttes acides glissèrent sur sa tête. Cet être presque humain, dernier vestige du peuple solitaire, arborait maintenant une forme almaine comme un vieil habit dont on ne peut se séparer par nostalgie. Il semblait recouvert d'une nappe de poussière d'or, semblable à la cape grisâtre du vieux Kaldor. Mais son visage glabre, sans la moindre suggestion de cheveux ni de sourcils, était net. Il n'avait pratiquement pas d'oreilles, ni de nez, seulement des orifices protubérants, qui n'émettaient aucun son.

Le Dragon remonta du sol. La glace coulait comme une peau translucide sur son corps de fer. Sa tête inexpressive se reforma à la pointe de son corps longiligne. Bien que la gravité eût prise sur lui, car il était fait de matière, son principe exerçait sur cette matière un contrôle parfait, étendant une toile d'Arcs fine à la molécule près, comme les interactions d'un cristal mouvant. Il se laissait donc suspendre au-dessus du sol, en équilibre sur la réalité.

« Peux-tu encore parler ? » demanda-t-il d'une voix lourde.

La pluie acide rognait déjà la surface du lac ; les premiers éclairs tombèrent en cercle à quelques kilomètres d'eux. L'atmosphère peu dense de Realis transcrivait ces sons avec langueur et amplitude, comme un enregistrement sur disque de cire.

« Qu'aurais-je à te dire ? lança le jeune dieu.

— Je suis venu te demander de renoncer à la guerre. »

Hélios ferma les yeux. C'était un geste illusoire ; son vrai regard passait par sa lumière, et celle-ci irradiait encore par chaque centimètre carré de sa peau, bien que sa puissance lumineuse se fût réduite à celle d'une ampoule à incandescence.

Nolim II : Le dévoreur d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant