Ma vie est un peu comme un grand placard.
Je n'ai pas arrêté d'y ajouter ou d'en retirer des affaires. Je n'ai jamais rien rangé ; au fond se situe un empilement de vêtements dont j'ai oublié que je les possède, comme l'écharpe de mes 5 ans, ma première chemise, une paire de chaussettes allemandes dépareillées ou un vieux chapeau.
Je rêve de ce placard. Dans mes rêves, j'y retrouve toujours quelque chose de plus excitant qu'une paire de chaussettes, comme une lettre d'amour reçue par erreur ou la recette ultime de la tourte au fromage. Dans mes cauchemars, j'écarte mes vestes comme des rideaux, et je découvre derrière que tout est infesté de mites ; que quels que soient les souvenirs que j'avais entreposés, ils sont irrécupérables.
Adrian von Zögarn, Histoire de mes voyages
Quand Adrian ouvrit les yeux, il sentit qu'il allait passer une excellente journée.
Malgré le regard noir que lui lançait Ek'tan, cette impression resta collée à lui comme un chien à son maître.
Il essaya de parler, mais il ne fut pas sûr d'avoir articulé correctement, car il n'était pas sûr de pouvoir entendre ce qu'il disait. Il essaya de bouger les mains. Sans réponse. Toutefois, il visualisa une boîte aux lettres. En l'ouvrant, il découvrit une carte postale de ses membres, l'informant qu'ils allaient fort bien, mais qu'en attendant qu'il se réveille, ils étaient allé passer des vacances, boire une bière dans la baie de Yora, sur Daln.
Adrian se sentait léger. Il avait rêvé qu'il volait durant des siècles, indifférent à la gravité, traversant l'univers comme l'étoile du Nord, remontant les Fleuves du Temps jusqu'à leur source mystérieuse. Des lumières apaisantes dansaient encore dans ses yeux et il souriait tout seul comme un imbécile.
« Qu'est-ce que vous avez dit ? Gronda Ek'tan en croisant les bras.
— Oh, bonjour. J'ai rudement faim. Quand est-ce qu'on mange ?
— Vous me devez des explications, Adrian. »
L'alchimiste arqua le cou pour regarder sa main droite, étouffée sous un gros bandage. Un autre alourdissait sa tête comme un turban.
« J'ai encore trop fait mon intéressant, n'est-ce pas ?
— Vous avez résisté au vide sidéral.
— Et encore, quand j'étais plus jeune, je survivais même à la musique disco.
— Vous m'avez dit que vous étiez immortel. Je vous crois.
— Oui, justement, sur ce point, j'ai peut-être un peu exagéré. Je suis semi-immortel.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous pouvez mourir ou vous ne pouvez pas mourir ?
— Je... n'en ai aucune idée. Mais tant que je ne serai pas mort, je continuerai de penser que je suis peut-être immortel.
— Rien de ce que j'ai trouvé dans votre valise ne m'a plus éclairé sur vous.
— Faites attention, j'ai perdu une fiole de venin de drom dans le double fond, ces choses-là sont très dangereuses.
— S'agit-il de magie d'Arcs ? Votre science de l'alchimie ? Les deux à la fois ?
— Comme vous voulez.
— Vous vous moquez de moi ?
— Pas du tout ! Seulement, j'en ai fait, des voyages, et chaque fois que j'ai fait usage de mes super-pouvoirs, les gens ont trouvé une explication qui collait avec leur vision du monde. J'ai été le fils de la lune, la réincarnation du roi-crapaud, le cousin germain de l'aigle sacré, un saint méconnu, un avatar de dieu hindou, le petit-fils caché de Nikola Tesla, le découvreur de la pierre philosophale, du phlogistique ou des fluides animaux. Inventez ce qui vous convient le mieux. »
VOUS LISEZ
Nolim II : Le dévoreur d'étoiles
FantasíaKaldor est vaincu. Le dévoreur d'étoiles est libre. Sorti de sa prison céleste, il ne lui reste plus que quelques années de voyage avant d'atteindre les premiers systèmes stellaires de l'Omnimonde. Kaldor avait un plan pour le vaincre. Mais ce plan...