Nolim II : Le dévoreur d'étoiles

9. Le grand voyage commence

L'énergie était un problème fondamental pour la Flotte de Rems. Pour qu'un objet acquière une certaine quantité de mouvement, il doit se séparer d'une partie de sa matière. Dans une fusée à propulsion chimique, la quantité de matière propulsée – les gaz résultant de la combustion – est importante, et la vitesse d'éjection relativement faible. L'ascenseur spatial avait permis à Rems de passer outre l'extrême inefficacité de la mise en orbite par fusée. Il ne requérait qu'une alimentation électrique.

Pour les vaisseaux de la Flotte, hors de question de recourir à la propulsion chimique : ils ne pourraient jamais acquérir un élan suffisant pour traverser un système stellaire en quelques jours, et dépenseraient une trop grande quantité de matière au cours de leur voyage. Les ingénieurs de l'Entente Australe avaient donc convenu de développer des réacteurs à fusion nucléaire. Ils requéraient moins de carburant, produisaient des millions de fois plus d'énergie et permettaient donc, à force de poussée égale, d'économiser la masse de réaction. Mais c'était toujours inférieur aux vaisseaux engloutis de l'Armada magna.

Les études avaient patiné pendant une année complète avant qu'un ingénieur fraîchement arrivé, un certain Phonzeugar, ne développe le réacteur non-standard. Personne, parmi les officiers de la Flotte, ne comprenait son fonctionnement, mais il alimentait les machines au moyen de lois physiques encore mal connues pour Rems.

Rapport 2004-18-A du Bureau International de Surveillance

Ek'tan contempla son reflet dans le miroir.

Dans cinq heures, je serai en orbite autour de Rems. Dans dix heures, je serai sur l'Indra. Dans vingt heures, nous serons en chemin pour quitter notre système stellaire.

Suis-je présentable pour rencontrer des êtres d'autres mondes ?

Flaminia l'avait assurée que la plupart des planètes sur leur chemin seraient peuplées d'almains, d'humanités cousines guère éloignées de la leur. Cela ne la rassurait pas plus. L'histoire humaine offre un panel incontestable de malentendus entre peuples éloignés.

Si Kaldor n'avait pas existé, si l'Armada Secunda ne leur avait pas offert un objectif commun, nul doute que ces peuples se seraient entre-déchirés. Peut-être que cela faisait partie du Plan.

« Amirale ?

— Je suis prête. »

Les rues goudronnées de Milnera fumaient comme un calcaire blanchi par le soleil. Ek'tan prenait à peine conscience qu'elle ne reverrait pas cette ville avant des années. Si elle rentrait en temps et en heure de cette première mission, ce ne serait que pour signer la livraison des cent premiers vaisseaux de la Flotte stellaire de Rems, afin de préparer ses troupes à la grande bataille.

L'hélicoptère décolla en direction de l'ascenseur spatial. À cette distance, on devinait à peine le câble de nanotubes de carbone déroulé depuis l'espace. Il découpait l'horizon en deux comme un cheveu collé sur une aquarelle de turquoise brumeux.

Avec l'exploration des vaisseaux engloutis dans les profondeurs océaniques, la technologie de Rems avait fait un bond prodigieux en quelques années, non sans requérir l'investissement d'une planète entière. Avant d'être raccordé à la plaine océanique, à quatre mille mètres de fond, l'ascenseur avait nécessité une dizaine d'essais infructueux, chacun requérant l'envoi de nouvelles fusées lourdes.

Lors de l'avant-dernier essai, le câble s'était rompu. La première moitié s'était effondrée sur Rems sur une zone de deux cent kilomètres de diamètre. L'autre s'était écrasée dans la station spatiale à l'autre bout, libérant l'énergie de sa force de tension. Deux cent morts. Six mois de retard.