Nolim II : Le dévoreur d'étoiles

16. Socrate

Être un leader, c'est forcer l'admiration ; être un chef, c'est forcer l'estime.

Être un leader, c'est montrer la voie ; être un chef, c'est mener sur la voie.

C'est pourquoi les leaders sont des gens solitaires. Ils ont des suivants, certes, mais ceux-là suivent un personnage, pas une dynamique ; ils ont foi en l'homme, non en ce qu'ils font. Au contraire, les chefs ont des disciples, et si le flambeau tombe de leurs mains, quelqu'un d'autre le reprendra, car ceux-là savent où ils vont.

Adrian von Zögarn, Maximes pour mon petit-fils Maxime, ou de la philosophie pour les enfants

Le Dragon descendit alors du soleil où il s'était lové.

Son corps astral, transparent et malléable comme une gelée organique, s'étendit autour d'eux en anneaux concentriques. Une tête à peine plus opaque, aux tons bleu-gris, tourna vers eux ses mille facettes lisses, ses yeux sans iris et sans pupille.

« La guerre... » gronda-t-il, une voix directement injectée dans les fibres d'Arcs de ce demi-rêve, transitant jusqu'à leurs pensées par les mêmes voies que son image et son odeur de métal froid.

« Vous êtes tous les deux déjà des guerriers de légende. Toi, Shani, tu as libéré le Peuple Solitaire et affronté Hélios sans retour ; toi, Christophe-Nolim, tu t'es soustrait à la justice d'Océanos à l'aide d'une armée de morts. Vous êtes tous les deux arrogants et détachés, et vous pensez tous les deux que la guerre sera perdue, ce qui ne vous inquiète pas, du moment que votre foi reste intacte.

— Nous croyons au Plan de Kaldor, tenta Shani.

— Vous ne croyez pas en Kaldor. Vous croyez en Aléane, qui n'est pas encore revenue.

— Et vous, en quoi croyez-vous ?

— Je suis un dieu, je ne crois pas.

— De quelle armée disposez-vous ?

— Je suis une armée.

— Pouvez-vous nous aider, oui ou non ?

— Je me joindrai à vous, mais vous vous en mordrez les doigts.

— C'est à nous de voir » dit Shani.

Le Dragon vaporisa un éventail de poussière cristalline au-dessus du cercle de pierre, qui s'agrégea en constellations d'étoiles. À ses confins brillait une étoile rouge.

« Voici Hélios, dit Zara en traversant la carte holographique. Depuis que vous avez brisé le pont d'Arcs de Stella Ostium, il cherche à rejoindre le système stellaire le plus proche connecté à l'Omnimonde. Il s'agit de Stella Realis. C'est un système monoplanétaire. Autrefois, la race des Dragons a préservé l'orbite de son unique planète rocheuse ; les autres ont été volées au système lors du passage d'une étoile mobile. »

Elle agrandit l'image de l'étoile. Sa robe rouge, mêlée aux fausses teintes de cyan, formait un fond violet.

« Sol Realis est une étoile peu active, mais de grande taille. Hélios est pressé de la rejoindre. Nous pensons qu'il voyage désormais dans le monde réel à une vitesse proche de la lumière, ce qui lui aura imposé de convertir une grande partie de sa masse solaire en énergie. À son retour dans l'Omnimonde, il sera donc affamé. Ses servants lui offriront Sol Realis sur un plateau.

— Il lui suffira de se servir tout seul, remarqua Christophe.

— Une étoile n'est pas qu'une boule d'hydrogène en fusion. Chaque planète habitée a sa Noosphère et intègre tous les astres proches à ses rêves dans sa psyché collective. Les étoiles vivent et meurent à l'échelle des temps cosmiques et, entre-temps, elles acquièrent la conscience et la pensée, à leur échelle. Affaibli, Hélios ne pourra pas absorber une étoile qui le refuse. Ses servants ont donc eu la tâche de préparer Sol Realis à sa venue.