49. Le dévoreur d'étoiles

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Tu ne rentreras jamais sur Terre.

Même lorsque nos inquiétudes sont nombreuses, comme celles qui embrumaient l'esprit de Garrison, il suffit d'une seule phrase pour les résumer toutes. Car que craignait Garrison ? Que l'Armada échoue. Que l'Omnimonde soit envahi par le dévoreur d'étoiles tout-puissant. Que les dieux abandonnent la lutte. Que l'Indra soit vaporisé à son passage dans un pont d'Arcs instable. Et même en cas de victoire, que les pertes soient immenses ; que des mondes entiers soient écrasés, dont la Terre, dont Rems, dont Lazarus. Que des millions de réfugiés stellaires arpentent l'Omnimonde à bord de vaisseaux décrépis ; que des guerres éclatent entre factions rivales, et qu'aucune ère de paix ne voie jamais le jour, dans un univers infecté par la tyrannie du dieu-soleil.

Toutes ces possibilités fort éloignées avaient un point commun : il ne revenait pas sur Terre.

En apparence, Garrison était un homme détaché et flegmatique. Ces deux traits de caractère ne lui étaient pas innés : c'était le résultat d'une longue adaptation. Par ailleurs, Garrison appartenait à une génération de terriens mobiles, multilingues et sans attache culturelle très marquée. Il ne se sentait étranger nulle part sur Terre et n'était donc jamais chez lui non plus. Il était comme un satellite de la planète, qui n'exerçait plus sur lui qu'une légère attraction, tout juste assez pour le garder dans son giron maternel. En revanche, il restait une attache, un cordon ombilical qui le reliait à ce monde, comme le câble d'un ascenseur spatial. Son jardin secret. Ce lieu familier où rien ne pouvait l'atteindre, où il revenait tous les cinq ans, en pèlerinage, assister à un lever de soleil.

Tu ne rentreras jamais sur Terre.

Garrison ne savait pas comment réagir à cette vérité. C'est pourquoi il réagissait de manière erratique. Il parlait dans le vide, étranger à ses propres paroles, comme si quelqu'un d'autre avait pris le contrôle de son corps. Il vit que Sahir dirigeait désormais l'Indra. L'amirale Ek'tan s'était recroquevillée contre le dos de son siège, le visage caché par ses mains et ses cheveux.

Quand Garrison retrouva ses esprits, il ressentit une forme de douleur fantôme, comme si quelque chose lui avait été arraché, dont il ignorait jusqu'à présent être propriétaire. Un fil s'était brisé en lui. D'autres membres d'équipage pleuraient en silence. Personne n'osait s'approcher de l'amirale Ek'tan.

« Préparez-vous à l'impact ! » s'exclama Sahir.

Sur l'écran principal de la passerelle, la traînée de feu d'Hélios s'était déjà abîmée dans la chromosphère de Sol Realis ; en réalité, le point d'impact estimé se situait derrière le disque de l'étoile, coupé en deux par ses anneaux rayonnants.

Une éruption de plasma traversa la surface de Sol Realis, mais c'était une vague soulevée par la proximité d'Hélios. Le dévoreur d'étoiles orbitait désormais autour de son prochain festin, si près qu'il semblait se déplacer sous sa peau.

L'impact n'en était que retardé, car Hélios, passé de leur côté, s'apprêtait à traverser les anneaux.

Sahir se mit à murmurer des chiffres latins. Elle comptait le temps qui s'écoulait. Chaque manœuvre de la flotte était désormais déterminante pour leur survie. Garrison se sentit subitement retourné et suspendu. Quelqu'un avait attaché Ek'tan pour éviter qu'elle ne s'écrase au plafond.

L'Indra présentait son dos arrondi, son meilleur blindage. Seuls des écrans secondaires affichèrent le passage du dieu-soleil, en fausses couleurs, un point brillant sur un fond beige orangé. À son entrée dans l'anneau de feu, une vague circulaire se souleva, qui ressemblait à une tornade dans l'espace. Elle avança le long de l'anneau. Hélios était en train d'en absorber la matière et l'énergie, comme un amuse-bouche pour le mettre en appétit.

Nolim II : Le dévoreur d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant