Untitled story.

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J'ai eu un choc parce que bien que j'ai imaginé de nombreuses fois notre rencontre, je suis incapable de contrôler l'inondation de sentiment qui se déferle en moi en ce moment précis. Il me semble que durant quelques secondes, mes nombreuses vies se défilent devant mes yeux avec une vitesse de la lumière.

« Que souhaitez-vous ? » Répète avec cette affabilité, cette patience ainsi que cette serviabilité propre au domaine commercial. Il était muni d'un sourire pas réellement chaleureux mais tout juste suffisant pour se montrer poli et aimable. Le même souvenir, le même visage... J'essaie de fouiller dans mes souvenirs et rapidement, j'obtiens les réponses aux questions posées: de un, j'ai fréquenté cet endroit depuis quelques mois déjà, si l'on parle avec plus de précision c'est six mois peut-être et de deux, lors de mes allers retours, je ne l'ai jamais rencontré. J'en conclue donc que c'est un nouvel employé.

« Alors, avez-vous fixé votre commande ? » Il souriait toujours en me demandant cela. Je reviens finalement sur terre. Je commande et après avoir payé, j'allais m'asseoir, non pas sur ma place habituelle qui donnait vue sur l'extérieur mais sur une qui le mettrait directement dans mon champ de vision. Je m'efforce de ne pas le fixer longuement mais c'est difficile car en l'ayant attendu depuis si longtemps, qu'il se soit apparu aussi soudainement comme ça devant moi me chamboule. Il m'apporte lui-même mes commandes et m'offre un petit sourire. J'ai l'impression que ma tête s'est vidée et des images très anciennes me reviennent en pleine face, telle un boomerang qu'on a fortement lancé. La joie, le soulagement et l'égarement sont là en formant en ensemble compacte et confus. J'attendais tellement depuis longtemps ce moment, j'ai concocté bon nombres de scénarios et chose pas du tout étonnant : ces scénarios ne semblent pas du tout s'appliquer à la situation actuelle.

J'ai vécu tellement de vies que parfois j'en viens à en douter leur véracité, comme si elles n'étaient que des songes qui se sont volatilisé au petit matin en ne laissant une sorte d'impression qu'on n'a pas du tout envie d'approfondir ...Et n'est-ce pas mieux aussi ? Ne garder que de bribes emmêlées au lieu de les tous se ressaisir comme un film qui n'en finirait jamais. En fait, à force de répétition, on finit par s'habituer et s'y résigner : ça ressemblait presque à une journée normale : se lever au petit matin puis terminer le jour pour ensuite s'endormir la nuit en attendant un nouveau cycle et ainsi de suite...Je comparais cette attente à la découverte d'un trésor après une longue quête. Des fois, j'avais juste envie de renoncer et de vivre comme il se doit mais ce n'est jamais facile, car les portes menant à certains souvenirs cèdent toujours bien qu'on les ferme à double tour et qu'on les cadenasse. Il y a également des sentiments qui sont difficiles, voire impossibles à s'en défaire. On ne peut que prétendre aller bien, prétendre de sourire et de vivre comme toute personne normale, alors que les souvenirs et les sentiments sont à chaque instant là, se tapissant au fond de nous, prêt à surgir et à bondir tel un diable dans une boite qui attend le parfait moment pour surprendre.

J'ai été beaucoup de chose, j'ai voyagé partout, j'ai expérimenté presque tout. Comment vous demandez-vous ? Parce que c'est ainsi qu'est mon châtiment : naître afin de vivre et de mourir, puis renaître de nouveau pour ensuite succomber à la vieillesse ou à une maladie ou par autre chose. J'ai mouru d'un sabre, d'une grenade, de la peste noir... Renaître, revivre et mourir et ainsi de suite...Sympa non ?

Je le vis partir lorsque la jeune employée qui m'est familière est apparue. Mon cœur battait vite lorsqu'il disparut derrière dans le coin cuisine, je l'ai guetté. Il est ressorti quelques minutes plus tard, vêtu de noir du pied à la tête. Une légère flagrance m'a chatouillé les narines lorsqu'il est passé à mon côté. Une voix déraisonnable guidée par le bouleversement me pousse à le suivre, pourtant, je n'arrive pas à faire ne serait-ce qu'un petit mouvement. Par la porte d'où il est partit se fixent inlassablement mes yeux. Revenu de mon béatitude et de mon étonnement, je suis parti à mon tour. Je n'ai pas pu me résoudre à rentrer chez moi. Dans de la fraîcheur de la nuit, j'ai flâné au milieu des foules inconnues en parcourant les rues et les édifices dont j'ai assisté l'évolution. A cause de la solitude ayant née au fur et à mesure que le temps se défilait, j'ai déjà envisagé de l'abandonner, parce que ma recherche a beaucoup duré : vivre plus d'une dizaine de vie sans jamais rencontrer la personne que vous cherchez devient fatiguant et abîmant...

Au cœur de la fiction (Seconde partie) ⁿᵃᵐᵍⁱ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant