Chapitre 36

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Mattew

Je crois qu'elle n'a pas réalisé qu'elle vient de crier notre relation devant le reste de la classe. Je n'ai aucun doute sur le fait que ça va rapidement faire le tour du lycée. Ce n'est pas le genre d'information qu'on apprend tous les jours.

Alyssia quitte la salle en furie et j'ai énormément de mal à contenir les élèves après cette scène. J'ai aussi du mal à me retenir de lui courir après. Un instant je crois que mes jambes vont me désobéir, mais j'arrive tout de même à me contenir.

Je dois à tout prix reprendre le contrôle de ma classe, et surtout de moi-même.

Je crois l'entendre pleurer, néanmoins j'y fais abstraction avant de craquer et la rejoindre. Je ne dois pas confirmer la rumeur qui doit déjà être lancée au vu du nombre de portable que je dois confisquer.

Cette heure a été parmi les plus pénibles de ma vie. Je referme la salle à clé et souffle sans retenue pour décompresser mais je vois le meilleur ami chevaleresque se pointer dans ma direction en une seconde. Jamais tranquille...

- Je vous avais prévenu de pas la faire souffrir pauvre con, démarre ce dernier au quart de tour.

De quoi je me mêle. J'inspire et tente de rester calme parce que nous sommes en public. Si ça avait été en pleine nuit comme la dernière fois je l'aurais déjà renvoyé chez ses parents.

- Tu ne sais rien du tout alors tu ferais mieux de me laisser tranquille.

Je regarde Alyssia qui a accouru peu après Luca. Je repère immédiatement ses yeux rougis qui indique qu'elle a pleuré un certain temps. Je m'en veux d'en être la cause. La colère d'hier se dissipe peu à peu et l'envie de la serrer dans mes bras reprend rapidement le dessus. Pas ici Mattew.

- J'en ai rien à foutre. Dégagez de sa vie.

- Tu parles à un enseignant je te rappelle. Tu devrais faire gaffe à ton vocabulaire, surtout devant autant de témoins, lui fais-je remarquer.

- Vous allez faire quoi ? Vous vous ferez virer si vous expliquez pourquoi j'ai dû vous défigurer.

Je ris dans ma barbe. Vraiment naïf le petit. Mon instinct commence à reprendre le dessus et je ne peux empêcher la provocation de refaire surface.

- T'as aucune chance.

- Ah ouais ?

Alors que je m'apprête à encaisser le coup sans ciller, je vois un bras passer et l'arrêter en plein vol. Alyssia.

Je l'observe et constate qu'elle a une position parfaite, exactement comme je lui ai montré. Je n'ai jamais été aussi fier d'elle qu'à cet instant. Cette fille est géniale bordel.

- Luca ce n'est pas une bonne idée, dit-elle en regardant son meilleur ami de manière explicite.

Une fois qu'elle est sûre qu'il ne réessaiera pas de me frapper, elle se tourne vers moi pour je ne sais qu'elle raison. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle lit en moi, mais ça lui fait détourner le regard.

- Bon on y va, sinon on va être encore plus en retard, lance Alyssia mettant fin à la confrontation.

Je la regarde partir avec Luca et j'ai l'horrible sensation qu'elle le choisit lui, plutôt que moi. Quand elle a disparu de mon champ de vision, je décide qu'il est temps de m'en aller à mon tour, avant de me faire encore plus remarquer.

- Y a rien à voir, annoncé-je aux élèves toujours présents. Vous allez en cours ou chez le CPE à vous de choisir.

Ce genre de menaces n'a jamais fonctionné avec moi, je suis donc soulagé que ça suffise pour les faire déguerpir.

On est dans la merde jusqu'au cou. Si tout l'établissement n'est pas encore au courant ça ne saurait tarder. Ce qui veut dire que la directrice va l'apprendre tôt ou tard. Aucun démenti possible avec tous les élèves qui ont assistés au pétage de câble d'Alyssia, et la presque bagarre avec Luca.

En fait, je suis le seul à être dans la merde. Elle peut tourner la chose à son avantage. Je sais combien son père est influent dans la ville, il ne laissera pas sa fille et son professeur particulier lui pourrir son prochain mandat.

J'aviserai en temps voulu, pour le moment j'ai une heure de pause déjà bien entamée qui m'attend. Je me retiens difficilement d'appeler Henzo. Je préfère lui raconter ce soir, en face à face, juste pour voir sa tête.

~.~.~

J'avais raison sa réaction en direct valait la peine de patienter. Il passe par plusieurs expressions avant de se décider pour la stupéfaction.

- Elle est complètement malade ma parole ! s'exclame-t-il. Malade d'amour mais surtout malade de folie.

Cette précision était de trop. Il le comprend à mon sourcil froncé mais ne se reprend pas pour autant.

- Dans tout ça c'est elle qui va le plus morfler. Tu sais comment sont les adolescents, on était à leur place il n'y a pas si longtemps.

- J'étais un cran au-dessus. J'en avais rien à foutre de si un élève couchait avec son enseignant ou je ne sais quoi d'autre.

C'est la vérité et je suis bien content d'avoir raté cette partie de ma jeunesse. J'étais trop drogué pour me soucier des autres. Je ne m'occupais déjà pas de moi.

- Ouais et bien je vais pas avoir besoin de te faire un dessin tu vas vite te rendre compte par toi-même des répercussions sur Alyssia.

- A ce point ? commencé-je à m'inquiéter.

- T'imagines même pas.

Je reste silencieux. Je me flagelle déjà pour ce qu'elle va devoir subir, bien que je n'ai pas la moindre idée de jusqu'où des lycéens peuvent aller. Je suis tenté de demander des détails à Henzo, mais je sais qu'il n'en dira pas plus pour ne pas me mettre à cran.

Mes pensées se tournent alors vers Victoire. Cette vieille bique me serait d'un grand secours en cet instant. Néanmoins, je ne peux pas me permettre de débarquer chez elle à cette heure de la soirée. Il faut que j'aille lui rendre visite ce week-end.

Je me saisis de mon téléphone et fouille dans mes contacts. J'ai toujours gardé son numéro sans l'avoir jamais utilisé. Ce n'est pas faute d'en avoir eu l'occasion.

- Bonsoir Victoire, c'est Mattew... Je sais qu'il est tard, mais je voudrais savoir s'il est possible de se voir samedi ?

Je laisse mon portable sur le comptoir et vais me doucher, laissant Henzo seul avec ma télévision.

Je laisse l'eau couler sur mon corps. J'ai l'impression de me laver de tous mes péchés à chaque fois. Pourtant cette fois-ci quelque chose pèse toujours sur mes épaules. La culpabilité ? Le regret ? Quoiqu'il en soit je sais que ça a un lien avec Alyssia.

Je n'arrive plus à lui en vouloir pour sa réaction. Et c'est trop tard. J'aurais dû lui raconter, je suis trop lâche. Mon poing part sans prévenir et frappe le mur. Je fissure le carrelage sans le vouloir. A force de taper dedans aussi.

Une fois sec, je retourne dans le salon et vérifie mes messages. J'ai la réponse que j'attendais.

- Bien sûr, je suis toujours libre pour toi mon garçon.

- Merci.

Je rejoins Henzo sur le canapé. Alors que je croyais qu'il était concentré sur l'écran, il m'enserre de son bras.

- Dégage je suis pas ta copine, répliqué-je sèchement en le poussant.

- T'es méchant, chouine-t-il.

- Je sais, je réponds en levant les yeux au ciel face à ses gamineries.

Apprends-moi à t'aimer [premier jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant