Chapitre 52

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Alyssia

- Parce que mon rôle était de la retirer.

Je recule d'instinct, mais l'accoudoir du canapé m'empêche d'aller plus loin.

Je suis abasourdie. Je ne sais pas quoi dire, quoi faire. Je suis comme en état de choc. Je ne bouge plus, je n'ouvre pas la bouche et j'arrête même de respirer l'espace d'un instant.

Les mots de Victoire me revienne alors que l'envie de fuir me prend : « reste jusqu'à la fin et rappelle toi l'homme qu'il est aujourd'hui ».

Aujourd'hui, il est un très bon prof d'anglais. Aujourd'hui, il est celui qui est toujours là pour moi. Aujourd'hui, il est celui qui m'a sauvé.

Aujourd'hui, il est celui que j'aime.

- Raconte-moi.

J'ai dit cela à mi-voix, pourtant il relève la tête et son visage s'empreint d'un air estomaqué.

J'inspire profondément et je lui fais signe qu'il a bien entendu. Il ferme les yeux quelques secondes, le temps de trouver ses mots. Apparemment il est aussi surpris par ma réaction, que moi par sa révélation.

- Je... tu es sûre de vouloir savoir ? bégaie-t-il.

- Je veux comprendre pourquoi.

Pourquoi il a fait ça. Et pourquoi il a arrêté. Mais surtout comment.

- J'étais plus ou moins l'homme de main de K... d'Ashley. Ce n'était pas officiel, mais tous me considéraient comme son bras droit. Et tous savaient ce que je devais faire pour elle.

Il marque une petite pause et je ne saisis pas l'occasion pour l'interrompre cette fois-ci. Je veux qu'il me dise tout.

- En dehors du gang, beaucoup me jalousaient de mon statut de petit-ami d'Ashley. Ils voulaient être à ma place. Dans le gang, ils n'auraient échangé avec moi pour rien au monde, constate-t-il.

- Tu devais faire quoi ? Je veux dire, précisément.

- En dehors de vendre donc. Le plus souvent je donnais de simples avertissements.

- Ça correspond à quoi un avertissement ?

Je pose de simples questions pour le guider et lui faciliter la parole. Je sais où ça me mènera de toute façon. Alors je dois lui rendre cette confession moins compliquée à avouer.

- Si un des clients avait du retard dans le paiement, je devais aller lui asséner quelques coups, voire lui casser un os. Lui faire assez mal pour qu'il se motive à payer, pour simplifier, éclaircit-il en haussant les épaules. La plupart comprenait que ce serait pire la fois suivante, mais d'autres n'avaient même plus les moyens de rembourser leurs dettes.

J'ai une sueur froide qui passe dans mon dos. J'hésite vraiment à poursuivre cette discussion. Je n'arrive pas à croire que ce soit le même homme.

- Il leur arrivait quoi ?

- Je leur passais une deuxième visite plus... violente.

Il déglutit avant de poursuivre.

- A la troisième je les éliminais. Enfin, je les forçais à le faire, mais ça revient exactement au même. Ils devaient se piquer sous la menace d'un pistolet. S'ils refusaient, je plantais l'aiguille moi-même. Et je les regardais tous mourir.

C'est à mon tour de faire une pause. Je savais qu'il en viendrait là, mais maintenant qu'il l'a dit à voix haute, qu'il m'a décrit leur mort, ça rend tout cela plus réel.

Apprends-moi à t'aimer [premier jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant