Chapitre 77

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Mattew ~ 1 mois et demi plus tard ~

C'est mon jour de sortie. Je vais quitter ma cellule et retourner à la vrai vie.

J'ai pris une peine de seulement un mois grâce à la légitime défense, pour coups et blessures et le fait d'avoir pointé une arme sur Ashley « sans intention de tirer » mais « seulement à but dissuasif ». Mon avocat a réussi à se servir de cette circonstance atténuante pour m'éviter plusieurs années de prison.

Le passé d'Ashley a aussi joué en ma faveur. Elle a d'ailleurs pris perpétuité pour l'assassinat de mon père, tentative d'assassinat sur ma personne et toutes ses manigances avec le gang.

Les trois lascars qui étaient là se sont apparemment enfuis en entendant le coup de feu. C'est celui que je ne connaissais pas qui a prévenu la police, il s'est rendu et a témoigné à mon procès. Il a seulement eu des travaux d'intérêt général de ce que j'ai entendu dire.

Mon audience a eu lieu après Noël. Ils m'ont permis de sortir pour le fêter, alors avec Alyssia on est allé à l'hôpital pour être auprès d'Henzo. On n'avait pas imaginé ça en parlant de la passer tous les trois, mais on a profité de ce moment ensemble comme si c'était le dernier.

Ashley a tenté de me faire plonger avec elle, comme elle l'avait promis. Henzo m'a défendu en se faisant passer pour alibi quatorze fois sur les 17. De plus, les affaires étaient classées depuis longtemps, ayant toutes pour conclusion un suicide ou une overdose accidentelle.

Honnêtement, je m'en suis bien mieux sorti que je ne l'avais imaginé. Je me voyais déjà derrière les barreaux pendant les trente prochaines années de ma vie.

Ce mois est passé plus vite que prévu. Alyssia est venue me voir chaque semaine, me donnant des nouvelles de notre meilleur ami et me rassurant sur l'avenir. J'ai bien entendu perdu mon offre d'emploi mais je ne désespère pas de retrouver du travail en sortant.

Les pires moments, c'était lorsque je me retrouvais seul, mon compagnon de cellule faisant la plonge à la fin des repas. Je me remémorais tous les événements de ma vie et je me flagellais. Je m'en voulais d'autant plus pour ce qui est arrivé à Henzo. Je me répétais sans cesse qu'il aurait pu mourir, puis que ce n'était pas le cas. « Je tue tous ceux que j'aime », voilà ce que je me disais.

A présent ce mois s'achève.

Je récupère le peu d'affaires que j'avais en entrant et qu'Alyssia m'a amené lors de ses visites. Je me change, mets mon sac sur le dos et me place derrière la porte de la prison.

A travers le grillage, j'aperçois déjà les deux personnes encore dans ma vie. Encore en vie. Henzo avec son éternel sourire d'idiot. Alyssia l'adolescente discrète et rayonnante, qui a pris ses quartiers dans mon cœur sans prévenir.

La tonalité indiquant l'ouverture des portes se fait entendre et m'affranchit de la dernière grille qui me sépare de la liberté. J'ai l'impression de respirer enfin. Je savoure cet instant m'approchant tranquillement de la voiture.

J'enlace longuement Alyssia et l'embrasse enfin après un mois de séparation par une vitre. Je prends Henzo dans mes bras et lui articule à quel point je suis désolé. Il grimace quand je le serre plus fort et je m'éloigne conscient de sa douleur.

- La balle n'a peut-être pas touchée d'organes vitaux, mais ça tire encore, justifie-t-il. Tu vas devoir attendre encore un peu pour les démonstrations d'affection.

Je lève les yeux au ciel et réalise à quel point ça m'avait manqué. Tant de choses qui ont l'air futiles au quotidien m'ont fait défaut.

Je prends le volant et nous conduis au tacos que j'apprécie tant. Rien de mieux qu'un fast food après avoir mangé des plats de prisonniers chaque jour, chaque repas, pendant trente jours. On en profite pour rattraper le temps et parler des choses les plus insignifiantes pendant plusieurs heures.

- Le personnel soignant est vraiment mignon, lance Henzo sans préambule. Je n'aurais pas rechigné s'ils m'avaient annoncé qu'ils préféraient me garder en observation.

- Tu vois toujours le côté positif, tu es infernal, le sermonne Alyssia. Tu ne peux pas simplement admettre que tu en as bavé à cause de nous ?

J'aurais aimé qu'elle ne remette pas ça sur la table, bien que ce soit une réalité. Comme on dit si bien, il n'y a que la vérité qui blesse.

- Non tout ça c'est de la faute d'Ashley et je suis bien content qu'elle soit enfin enfermée et ce pour le reste de sa vie, rétorque-t-il en buvant une gorgée d'eau.

- Ouais, si elle obtient pas une remise de peine.

J'ai les idées noires. Je ne peux m'abstenir de faire comme si tout était réglé pour de bon. Ça ne le sera vraiment jamais dans le fond. Certes tout ça c'est derrière nous, mais il est impossible d'effacer le passé, on doit vivre avec.

- Si ça devait arriver, ce serait pas avant trente années, me rassure mon meilleur ami. D'ici là, j'espère qu'elle se sera assagie avec l'âge.

- Ou alors elle aura accumulée une haine féroce envers nous et rien ne pourra l'empêcher de nous exterminer.

- On ne peut pas savoir. Alors à quoi bon s'en inquiéter avant l'heure ? Tu veux passer ta vie à te retourner constamment pour vérifier qu'un flingue n'est pas pointé sur ta tête ? Moi non.

Ces mots qu'Alyssia vient de prononcer, je les ressens comme si elle me disait qu'elle est prête à passer sa vie à mes côtés. Du moins, si j'accepte de prendre la main qu'elle me tend et d'aller de l'avant.

Après tout, elle m'a attendu un mois. L'aurait-elle fait si ça avait duré un an ? Je ne suis pas sûr de vouloir entendre la réponse.

- Commence déjà par avoir ton bac et on en reparlera, la tacle Henzo en lui lançant son sachet de ketchup vide.

- Dixit celui qui était trop occupé à pécho Justin pour réviser.

Alyssia et Henzo réagissent en même temps. L'une choquée, l'autre outré.

- Non mais je rêve !

- Quelle balance !

- J'énonce des faits.

- Tu es juste jaloux ! Quand je me suis mis avec Clara tu m'as ignoré pendant cinq jours !

- Trois et seulement parce que ça se voyait qu'elle était avec toi pour ton matériel. Et pas le scolaire si tu vois ce que je veux dire.

Alyssia pouffe de rire et s'étouffe quelques secondes avec son muffin.

- J'y peux rien si tu n'as jamais voulu tester la marchandise, ne rejette pas la faute sur ceux qui ont su l'apprécier.

- Tu délires mec.

- Arrête de sous-entendre que tu es intéressé par mon copain, c'est malsain, réplique Alyssia.

- Tigresse !

Les discussions s'enchaînent avec toujours autant de naturel. Henzo fait le pitre comme à son habitude et nous fait bien rire, surtout elle.

Nous nous quittons en début d'après-midi, Henzo devant se rendre à ses cours. Il a insisté pour reprendre malgré les conseils du médecin, mais je sais qu'il fait attention. Contrairement à ce qu'il dit il avait hâte d'être à nouveau sur pied. Il a besoin de bouger pour se sentir au mieux. S'il a le moral, alors la santé physique suivra toujours.

Nous rentrons à l'appartement avec Alyssia et ça me fait un bien fou de retrouver mon chez moi. Notre chez-nous. Je lui manifeste ma joie en lui faisant un câlin qui dure plusieurs minutes. Je suis tellement bien dans ses bras, je suis à ma place. C'est une évidence qu'aucun de nous ne peut nier. Nous n'avons jamais pu.

- Tu es folle d'être restée, mais je ne peux que t'aimer davantage pour ça.

Cette phrase a tellement de sens différent. Je la laisse libre de l'interpréter comme bon lui semble. Sa réponse en est encore plus incommensurable.

- J'ai appris à t'aimer.

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Et voilà comment tout s'arrange. Ils ont tant vécu qu'on espère qu'ils vont enfin pouvoir vivre heureux. Qu'en pensez-vous ? Vous aimez ?

Apprends-moi à t'aimer [premier jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant