Chapitre 62

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Alyssia

Je me suis rendue compte ces derniers temps que j'ai délaissé mes amies, au profit de Mattew – et aussi à cause de tout ce qui m'arrive en ce moment. Je leur propose donc de sortir cet après-midi, puisque c'est mercredi et que je n'ai rien de bien important à faire. Les voir si heureuse de refaire une sortie entre filles me réchauffe le cœur. Elles m'avaient manqué !

On choisit un programme détente et papotage, ce qui signifie dans notre langage – surtout le leur – que l'on va faire du shopping. Je me promets intérieurement de ne pas dépenser un rond, en vue des dépenses que je vais avoir à faire maintenant que je deviens indépendante.

Je prétexte donc avoir oublié mon porte-monnaie chez moi. Elles ne manquent pas de me reprocher ma bévue chaque fois qu'elles repèrent un article qui « m'irait à merveille ».

Elles m'offrent même une combishort ceinturé et fluide en cadeau. Je ne risque pas de la porter de suite, avec le froid qui s'installe. Je n'ai jamais compris pourquoi les magasins vendent des vêtements de la mauvaise saison. Néanmoins la couleur gris clair fait ressortir mes iris et le décolleté en V arrive à mettre ma poitrine en valeur. Et c'est surtout très confortable ! Je ne suis pas horrible dedans, disons que je suis même plutôt jolie. Je dis toujours ça quand ce sont les filles qui choisissent pour moi en fait.

Nous passons une après-midi fantastique, à rire comme des folles, à faire des défilés dans les magasins et imiter Cristina Cordula pour donner notre avis sur une tenue.

J'oublie tout pendant quelques heures durant. Je suis juste bien et j'en profite au maximum.

Je ne ressasse pas le passé.

Je ne songe pas à l'avenir.

Je suis entièrement au présent.

Jusqu'à ce que j'aperçoive une femme aux cheveux ondulés noirs. Son sourire carnassier me rappelle son rire d'hyène. Elle me regarde dans les yeux, sans ciller. Malgré la distance j'ai l'impression de percevoir ses pupilles se dilater et son nez frémir d'un rire silencieux.

Deux hommes l'encadrent les bras croisés. Leurs casques de moto me rappellent douloureusement mon rêve d'il y a trois jours.

Je masque le tremblement de mes mains en les glissant dans mes poches. Cette scène semble se dérouler au ralenti sous mes yeux, les piaillements de mes amies en fond sonore.

Je continue de marcher et bientôt je me retrouve à côté de mon pire cauchemar. Mes jambes se mettent, elles aussi, à trembloter et je prie pour qu'elles ne me lâchent pas.

Les motards retirent alors leurs casques et ma surprise fait sourire davantage Ashley. Je suis étonnée de connaître l'un de ses subalternes. Je n'ai jamais oublié ce blond prétentieux et agressif. Jérémy. En y réfléchissant mieux, ça n'a rien bizarre de les voir ensemble.

Le deuxième homme en revanche, ne m'évoque rien. Il est bien plus âgé que sa patronne et m'apparaît moins menaçant que son acolyte.

Nous passons finalement devant eux et je me contrains à river mon regard devant moi. Je ne peux pas me retourner sans éveiller les soupçons des filles, qui bavardent toujours.

Quelques minutes plus tard, trois motos nous rattrapent, ralentissant à notre approche. Ashley me regarde toujours avec la même lueur machiavélique. Elle me lance soudain un objet noir, que j'attrape de justesse.

- Si tu en parles à qui que ce soit, je veillerai à ne pas te rater cette fois, me menace-t-elle.

Cela attire l'attention de Matylde qui m'examine intriguée, tandis qu'Ashley baisse sa visière et part en trombe, suivie de près par les deux autres. Je cache l'objet encore non identifié dans le sac qui contient ma combishort. Je tente d'adopter une expression enjouée, afin que Matylde retourne à la conversation. Bien qu'elle enchaîne comme si de rien n'était, elle ne semble pas convaincue par ma performance.

Apprends-moi à t'aimer [premier jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant